Dans le numéro de cette semaine : Les leçons à tirer de l’accord américano-japonais, le coût des obstacles au commerce intérieur, et le nouvel intérêt de Donald Trump pour la gestion de l’offre.
La semaine écoulée
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Le président des États-Unis, Donald Trump, qui a célébré la conclusion d’accord commercial avec le Japon au début de la semaine, a terminé la semaine en déclarant qu’il n’était pas certain de s’entendre avec le Canada et que les États-Unis pourraient imposer unilatéralement d’autres droits de douane à leur voisin.
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Le tiers des entreprises canadiennes s’attendent à une hausse soudaine des coûts liés aux droits de douane, proportion moindre que les deux tiers observés au dernier trimestre, surtout en raison des exemptions prévues dans l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). De plus, la moitié des sociétés composent déjà avec une augmentation des coûts, et beaucoup d’entre elles ne peuvent pas les passer aux consommateurs, réduisant ainsi leurs marges.
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Dans un communiqué conjoint, les premiers ministres des provinces et territoires demandent au gouvernement Carney d’« améliorer la relation commerciale globale » avec la Chine.
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La société Algoma Steel, qui vend à peu près 60 % de sa production aux États-Unis, cherche à obtenir un allègement des droits de douane de 600 millions de dollars auprès d’Ottawa.
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Le président américain Donald Trump précise que les États-Unis n’abaisseront pas leurs droits de douane en deçà des 15 %.
D’abord 35 %, puis 15 %
Dans l’accord commercial conclu entre le Japon et les États-Unis se trouve, sous une multitude de dispositions, la promesse d’établir un fonds souverain de 550 milliards de dollars américains et d’en confier la supervision au président des États-Unis lui-même. Pourrait-il s’agir d’un modèle à suivre pour le Canada et les États-Unis, qui souhaitent tous deux conclure des accords commerciaux avant le 1er août ?
Les détails sur le fonds japonais sont vagues, et les deux parties les présentent très différemment : les États-Unis considèrent le fonds comme un partenariat 90/10 en faveur des contribuables américains qui permet à Washington de dicter aux sociétés japonaises les secteurs où investir ; Tokyo le voit plutôt comme une promesse d’investissement de la part des sociétés japonaises. Les États-Unis brouillent de plus en plus les limites entre la création d’un écosystème facilitant les investissements et ce que certains qualifient d’intervention de l’État dans les activités et investissement des entreprises. L’exemple le plus récent est l’investissement direct de 400 millions de dollars américains par le Pentagone dans MP Materials, une société de minéraux de terres rares. Cet investissement, semblable à ceux que ferait la Chine, est décrié par les entreprises concurrentes pour sa portée excessive.
La tendance progressive des États-Unis à étendre leur influence pose un problème pour les marchés nord-américains libres et équitables, mais pourrait annoncer l’arrivée au premier plan d’entités fédérales américaines, c’est-à-dire d’une nouvelle génération d’organisations soutenues par le gouvernement et dont l’existence dans les pays autocratiques a été critiquée par les gouvernements occidentaux au cours des dernières décennies.
Le Canada a beaucoup à offrir aux États-Unis en matière d’investissement, mais dans les circonstances appropriées. La valeur des investissements directs du Canada aux États-Unis s’élève à 812 milliards de dollars américains, soit juste derrière le Japon (819 milliards de dollars américains). En principe, il est possible d’augmenter les investissements canadiens aux États-Unis, qui sont structurés pour enrichir également les chaînes logistiques au Canada. L’intégration continue du Canada et des États-Unis, dans les secteurs tant public que privé, devrait engendrer des retombées positives pour le Canada sur le plan des investissements, de l’activité économique et des échanges commerciaux. Il pourrait aussi y avoir suffisamment de place pour une multitude de projets conjoints entre le Canada et les États-Unis, notamment dans les domaines des minéraux critiques, de l’automobile, de l’énergie nucléaire, des combustibles fossiles et de l’électricité.

Cela dit, si la création d’un quelconque fonds conjoint est envisagée, on ne peut pas donner carte blanche à Washington.
Le Canada vit un moment crucial, puisqu’il devra faire face à des droits de douane de 35 % sur tous les biens non visés par l’AEUMC en cas d’échec des négociations. (M. Carney et M. Trump ont tous deux minimisé la probabilité d’un accord commercial d’ici le 1er août.) Nous pourrions devoir composer avec des droits de douane de 15 %, taux le plus couramment observé, puisque l’Europe elle-même semble s’être résignée à accepter cette condition de Washington.
Cette situation pourrait s’avérer positive pour le Canada.
Dans l’hypothèse où le traitement préférentiel prévu dans l’ACEUM demeurerait le même, le Canada devrait profiter d’un accès de premier ordre au marché américain. D’éventuels taux de droits de douane réels moyens pondérés de 2 % à 3 % sont attrayants sur les plans absolu et comparatif, à condition qu’un taux de droits de douane de 15 % s’applique seulement à de 10 % à 20 % des échanges commerciaux non conformes à l’ACEUM. Cela ressemble fondamentalement aux taux de droits de douane des pays les plus favorisés (2,5 % habituellement).
Trois questions…
Alors que le premier ministre du Canada Mark Carney rencontrait les premiers ministres des provinces et territoires, le chef de Leadership avisé, Jordan Brennan, s’est entretenu avec Trevor Tombe de la School of Public Policy de l’Université de Calgary à propos des obstacles au commerce intérieur et de M. Trump.
Q. : Que coûtent les obstacles au commerce intérieur au Canada ?
R. : D’après les recherches que j’ai réalisées avec d’autres collaborateurs, l’économie canadienne pourrait croître de 4,4 % à 7,9 % à long terme, soit un gain de 110 milliards de dollars à 200 milliards de dollars par année, en cas d’élimination des obstacles au commerce intérieur au moyen de politiques de reconnaissance mutuelle. Dans certains secteurs, comme celui du camionnage, ces obstacles font croître les tarifs de fret d’environ 8,3 %, bondir les coûts d’exploitation et diminuer la productivité dans son ensemble. Les provinces plus petites et à plus faible revenu, surtout celles de l’Atlantique, pourraient réaliser des gains plus importants que ceux des autres provinces.
Q. : À votre avis, quelles seront les conséquences probables du projet de loi C-5 sur le plan économique ?
R : Le projet de loi C-5 constitue une initiative importante du gouvernement fédéral pour éliminer les obstacles au commerce intérieur. Nous devrions toutefois faire preuve de prudence quant aux répercussions immédiates sur le produit intérieur brut (PIB). La somme de 200 milliards de dollars évoquée par certains correspond à la limite supérieure des estimations et elle requiert une levée considérable des barrières commerciales, soit bien au-delà du contenu des propositions actuelles. Il y aura concrétisation des gains si les provinces adoptent leurs propres lois de reconnaissance mutuelle. Nous observons d’ailleurs un engouement considérable à cet égard.
Q : Le premier ministre Mark Carney semble croire que la suppression des obstacles au commerce intérieur compensera le tort économique causé par les droits de douane de Donald Trump. Dans quelle mesure cette opinion est-elle réaliste ?
R : L’ampleur des coûts du commerce entre les provinces et les territoires dépasse celle des coûts engendrés par les perturbations liées aux droits de douane américains, mais il faudrait beaucoup plus de temps pour en ressentir les effets. Au fil du temps, nous pourrions plus que compenser ces perturbations, mais la libéralisation du commerce intérieur n’est pas un contrepoids suffisant à court terme pour contrer les bouleversements économiques immédiats.
Les contingents d’importation : pierres d’achoppement pour les États-Unis
La gestion de l’offre du Canada a attiré l’attention de l’administration Trump, encore une fois. Les critiques entendues au sud de la frontière se concentrent sur les contingents d’importation, surtout ceux liés aux produits laitiers.
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Au Canada, le système de gestion de l’offre est régi au moyen de contingents d’importation, de prix fixés par les producteurs et de contingents de production pour les produits laitiers, les œufs et la volaille, une politique qui garantit aux agriculteurs leur part du marché national et des prix justes pour les produits par rapport aux intrants agricoles.
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Les contingents d’importation visent à limiter les importations dans les secteurs canadiens sous gestion de l’offre. Toutefois, lors des dernières négociations commerciales, le Canada a fait davantage de concessions. Par exemple, dans le cadre des pourparlers entourant l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), le Canada a accepté d’accorder aux pays participants une part d’environ 3,25 % de son marché intérieur des produits laitiers.
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Avec la mise en œuvre progressive de l’ACEUM, de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne et du PTPGP au cours des dix prochaines années, l’accès des produits laitiers canadiens aux marchés étrangers devrait grimper pour atteindre environ 10 % de la production laitière du Canada.
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Cependant, comme les transformateurs canadiens détiennent la plupart des contingents tarifaires d’importation, les importateurs étrangers font valoir qu’ils ont un accès limité au marché canadien pour réaliser leurs volumes exemptés de droits de douane négociés dans l’accord.

Le dernier rapport de Leadership avisé RBC, intitulé « Démystification de la gestion de l’offre », traite des avantages et des inconvénients du système et de son rôle dans les guerres commerciales.
Une « Amérique du Nord » pleine de ressources
Le Canada et les États-Unis ont augmenté leurs exportations de produits de base au cours des dix dernières années, puisque les deux pays exploitent les ressources constituant leur richesse. Le dernier rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) révèle que ces deux pays, qui constituent l’« Amérique du Nord », ont enregistré une hausse des exportations combinées de produits de base de 10,8 % du total mondial il y a dix ans à 13,1 % en 2023. La part de marché des autres régions a à peine augmenté ou même diminué durant cette même période.

Concentration des produits de base : Les exportations de produits de base du Canada, qui comprennent ceux liés à l’énergie, aux mines ou à l’agriculture, selon la définition de la CNUCED, ont atteint 55,8 % du total des exportations de produits de base de 2021 à 2023, contre 53,3 % de 2012 à 2014. La dépendance des États-Unis est encore plus marquée : les produits liés à ces trois secteurs sont passés de 29,5 % du total des exportations américaines de produits de base à 35,5 % durant cette période. Comme les deux pays ont désigné l’énergie, l’agriculture et les mines comme des aspects prioritaires en matière d’exportation, ils pourraient accroître leur dépendance aux produits de base de ces trois secteurs, et à la volatilité de leurs prix.
Croissance de l’agriculture : Au Canada, le secteur de l’agriculture a réussi à augmenter sa part du marché des exportations de 14,7 % à 16,7 %. Pour sa part, le secteur de l’énergie a très peu progressé à 17,4 %. Aux États-Unis, tout se rapportait à l’évolution du schiste et à la révolution du gaz naturel liquéfié (GNL).
Contraction des produits de base : À l’échelle mondiale, les exportations de produits de base représentent maintenant 32,7 % de la valeur des échanges internationaux, contre 35,5 % il y a dix ans.
Efforts de diversification Les pays qui exportent principalement des matières premières pourraient ne pas profiter des avantages plus considérables du commerce mondial, stimulé par la diversification, l’innovation et la production à valeur ajoutée. La mise en garde de la CNUCED visait les pays en développement, mais les entreprises canadiennes souhaitant accroître leur présence dans les secteurs des mines, de l’énergie et de l’agriculture peuvent en tenir compte.
Le mot de la fin
« Notre objectif n’est pas de conclure une entente à tout prix. »
— Premier ministre Mark Carney au sujet des négociations avec les États-Unis
Collaborateurs : Jordan Brennan, Shaz Merwat, Lisa Ashton, Reid Mckay, Yadullah Hussain et Caprice Biasoni
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