Washington s’indignera-t-elle de la hausse des ventes de pétrole du Canada à l’Asie ?
Par Shaz Merwat, directeur général, Politique énergétique
L’accélération de la diversification commerciale par Ottawa, présentée en partie dans le budget fédéral cette semaine, pourrait redéfinir la carte énergétique de l’Amérique du Nord et mettre à l’épreuve sa plus importante relation économique.
Pourquoi c’est important
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Le budget fédéral de 2025 prévoit un objectif explicite : doubler les exportations de biens du Canada hors États-Unis à environ 600 milliards de dollars d’ici 2035.
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La visite de Mark Carney la semaine dernière au sommet de l’ANASE a renforcé cette ambition, car il y a courtisé des partenaires asiatiques et a positionné la croissance du Canada en plein cœur de l’Orient.
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Ensemble, ces initiatives transforment les exportations de pétrole et de GNL en croissance en instruments de diversification économique et renforcent le multilatéralisme au sein du commerce international.
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La suppression du plafonnement des émissions de pétrole et de gaz ouvre la porte à l’augmentation des exportations de pétrole vers l’Asie.
En chiffres
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Environ 75 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis.
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En 2024, les exportations canadiennes d’énergie ont totalisé 197 milliards de dollars, le pétrole brut représentant à lui seul 147 milliards de dollars.
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Environ 91 % des exportations de pétrole brut par le Canada sont restés à destination des États-Unis au cours des sept premiers mois de 2025. Le reste des exportations de pétrole brut du Canada, soit environ 490 000 barils par jour ou 1 % de la demande asiatique, est destiné à l’Asie.
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La demande d’importation de pétrole de l’Asie, c’est-à-dire de l’Inde, de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud, a augmenté de plus de 25 % depuis 2015, à environ 22 millions de barils par jour, surtout en raison de la croissance rapide du secteur industriel de la Chine et de l’Inde.
Plus globalement
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La capacité énergétique persistante du brut lourd : L’électrification remplace largement l’essence – un baril de brut léger –, mais pas le diesel, le carburéacteur ou les matières premières pétrochimiques. Cette longévité octroie aux barils de lourd une valeur stratégique.
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La plaque tournante du pétrole lourd en Asie : La Chine se tourne vers les produits pétrochimiques, et vise à gagner des parts de marché du Japon et de la Corée. On s’attend aussi à ce que les importations de pétrole augmentent de 1,5 million de barils par jour d’ici 2025 en Inde, alors que les deux pays tenteront de se constituer des stocks stables de brut lourd et sulfureux. Aujourd’hui, cet approvisionnement provient du Moyen-Orient, de la Russie et du Vénézuéla, ce qui crée une ouverture pour un acteur occidental stable.
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Enjeux d’investissement et de soutirage : L’expansion du secteur pétrolier canadien proviendra de la croissance des sables bitumineux. Des engagements à long terme (investissements et soutirage) seront essentiels pour implanter toute capacité future sur la côte ouest. CNOOC, Sinopec et Petro China étant déjà présentes au Canada, sans compter de meilleures relations possibles avec l’Inde, comment le renouvellement du capital asiatique sera-t-il accueilli à Ottawa… et à Washington ?
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Contraintes d’émissions de carbone et d’expédition : La tarification du carbone industriel, les attentes de progression du projet de capture et de stockage du carbone de Nouvelles voies, une interdiction fédérale des pétroliers et le resserrement des règles d’expédition par l’Organisation maritime internationale (OMI) sont tous dans la balance, en attente de réponse.
Conclusion
L’ambition du Canada d’accroître ses exportations par l’intermédiaire d’un régime commercial multilatéral pourrait difficilement cadrer avec la propension plus bilatérale de Washington. Pendant des décennies, la politique américaine a traité l’énergie canadienne comme le prolongement sûr de sa propre chaîne logistique. Alors qu’Ottawa établit des liens avec l’Est et cherche à occuper une place plus importante sur les marchés mondiaux du pétrole, elle ne se contente pas de mettre à l’épreuve la souplesse du partenariat nord-américain – elle souhaite aussi savoir si les États-Unis permettront à cette indépendance de prendre forme.
Récapitulatif de la semaine
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Le budget fédéral du gouvernement libéral prévoit des milliards de dollars en réponse aux droits de douane imposés par l’administration Trump.
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Dans le cadre du passage de la « dépendance à la résilience », le budget prévoit 5 milliards de dollars sur sept ans pour créer le Fonds pour la diversification des corridors commerciaux.
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Un milliard de plus pour le Fonds d’infrastructure pour l’Arctique dans le but, en partie, de relier le Nord canadien aux marchés mondiaux.
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Un fonds souverain de minéraux critiques de 2 milliards de dollars, qui effectuerait des placements en actions, octroierait des garanties sur prêts et conclurait des conventions de vente et d’achat avec les minières sera créé.
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La Cour suprême a commencé son examen du recours par le président Trump à l’International Emergency Economic Powers Act pour imposer des droits de douane, dont ceux imposés au Canada sur le fentanyl. Même les juges appartenant à la majorité conservatrice ont exprimé des doutes quant au pouvoir du président américain d’imposer unilatéralement des droits de douane sur les importations. Il leur faudra probablement quelques mois avant de statuer.
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En approuvant les mesures visant à protéger les agriculteurs, l’Union européenne s’est rapprochée d’un accord commercial avec le Mercosur, une entente d’envergure avec des pays sud-américains qui se trouve sur la table de négociation depuis un quart de siècle.
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Malgré les pressions exercées par les droits de douane américains, l’Ontario prévoit un déficit moins élevé que prévu dans sa mise à jour budgétaire.L’Énoncé économique promet également un équilibre comptable en 2027-2028.
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Le Department of the Interior des États-Unis a ajouté l’argent et le cuivre à sa liste de minéraux critiques, pavant ainsi la voie à leur inclusion dans les politiques de droits de douane futures.
Mot de la fin
« Le poids des États-Unis sera moins important dans le commerce international. Le monde doit s’adapter à cette situation. L’adaptation sera plus importante pour nous. »
– Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, qui s’est exprimé cette semaine lors du sommet de The Logic.
Statistics Canada. Annual Survey of Manufactures and Logging, 2024.
Statistics Canada. Canadian International Merchandise Trade, 2025.
Statistics Canada. Industrial product price index, 2025.
Canada Tariff Finder, 2025.
Statistics Canada. Canadian International Merchandise Trade, 2025.
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