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Les effets perturbateurs des droits de douane sur la transition énergétique

Issue #11

➔ Droits de douane : un frein à la transition énergétique
➔ L’Inflation Reduction Act : abroger, modifier ou conserver ?
➔ Une approche réaliste des enjeux climatiques

Sujets chauds

➔ Les Canadiens gardent un vif intérêt pour le climat. Selon un sondage Ipsos réalisé pour le compte de RBC (tableau ci-dessous), les Canadiens sont plus nombreux que les Américains et les Britanniques à estimer que la réduction des émissions industrielles est un objectif climatique important. Cependant, ils sont moins portés à favoriser une réduction de l’utilisation des ressources naturelles.

➔ Une approche réaliste des enjeux climatiques. Le Council on Foreign Relations a lancé la Climate Realism Initiative, dont la mission consistera à élaborer une nouvelle stratégie climatique pour les États-Unis. Cinq prémisses ont retenu l’attention de Myha Truong-Regan, cheffe, Recherche climatique : 1) les initiatives climatiques seront façonnées par les priorités économiques et relatives à la sécurité nationale ; 2) l’action climatique peut constituer un avantage concurrentiel dans le commerce mondial ; 3) les objectifs climatiques mondiaux et nationaux doivent être facilement compréhensibles pour susciter un appui généralisé ; 4) l’augmentation exponentielle de la demande énergétique exigera l’exploitation des combustibles fossiles et des énergies renouvelables ; 5) il faudra éviter de présenter l’action climatique comme un enjeu exigeant des sacrifices personnels plutôt que des décisions de consommation intelligentes.

➔ Les grands investisseurs s’empressent de faire l’acquisition d’actifs d’énergie renouvelable. Un certain nombre d’actifs d’énergie renouvelable dont la valeur a baissé depuis cinq ans ont suscité l’intérêt d’acheteurs. Récemment, la société de gestion d’actifs Brookfield a fait l’acquisition de la filiale américaine d’énergies terrestres renouvelables du groupe britannique National Grid pour la somme de 1,7 milliard de dollars US, et a déboursé 6,6 milliards de dollars US pour acheter le producteur d’énergies renouvelables français Neoen s.a. et 2,3 milliards de dollars pour mettre la main sur des centrales éoliennes en mer en exploitation au Royaume-Uni. Le fonds d’investissement KKR & Co. cherche à lever 7 milliards de dollars US pour son premier fonds mondial pour le climat, tandis que la société d’investissement Copenhagen Infrastructure Partners a clôturé en mars son plus important fonds dédié aux énergies renouvelables, qui avait atteint un actif de 12 milliards d’euros. Les investisseurs bien nantis sont à l’affût.

➔ Une nouvelle politique américaine sur les biocarburants risque de limiter les débouchés commerciaux du Canada. Bon nombre d’agriculteurs et de producteurs de biocarburants canadiens craignent d’être exclus du crédit à la production de carburants propres proposé aux États-Unis (45Z). Ce nouveau crédit, qui remplace les incitatifs dont bénéficiaient auparavant les producteurs canadiens, introduit un crédit d’impôt pour les agriculteurs assorti de restrictions liées à l’intensité carbone et au pays d’origine, explique Lisa Ashton, responsable principale, Politique agricole. Les agriculteurs américains pourraient se retrouver dans une position nettement plus avantageuse si la majorité des producteurs canadiens sont inadmissibles à ces crédits.​

Les guerres commerciales liées au climat ont commencé

Il faut maintenant ajouter le modeste terbium à la liste des matières premières prises dans la tourmente des droits de douane. Ce minéral argenté de la famille des terres rares qui est utilisé dans la fabrication des éoliennes est l’un des sept minéraux soumis aux contrôles des exportations imposés par Beijing en représailles relatives aux droits de douane américains. La Chine, qui contrôle 95 % de l’approvisionnement mondial en terbium, a également restreint les exportations de ses substituts, le gadolinium et le scandium, le tout risquant d’avoir des répercussions sur les grandes entreprises technologiques américaines.

Si les automobiles et l’acier font les manchettes, les entreprises actives dans la transition énergétique sont, elles aussi, touchées par les droits de douane affectant les matériaux nécessaires à la fabrication des pièces, engrenages et pistons indispensables aux technologies propres.

Il est encore tôt, mais voici les perturbations que nous prévoyons, surtout si les droits de douane sont maintenus au-delà de quelques mois:

  • Les batteries pour véhicules électriques seront durement touchées. Les droits de douane, plus élevés que les droits de base américains, imposés à la Chine et à l’Union européenne pourraient déstabiliser les chaînes d’approvisionnement mondiales. BloombergNEF estime que les prix des batteries et de l’énergie solaire seront les plus durement touchés.

  • Certains métaux et minéraux ont été exemptés, mais la Chine entend néanmoins riposter. Le cuivre, le zinc, les métaux des terres rares, le germanium, le combustible nucléaire, le lithium et le cobalt sont exemptés des droits de douane, mais la Chine contre-attaquera tout de même en imposant un contrôle à l’exportation de plusieurs minéraux critiques qui nuirait aux pays occidentaux, du moins à court et à moyen terme. Le Canada, avec ses ressources abondantes, peut venir en aide à ses alliés.

  • L’uranium est sur le point de prendre de la valeur. La dépendance des États-Unis en ce qui a trait à l’uranium, notamment l’uranium du Canada, et aux services d’enrichissement étrangers, comme ceux de la Russie, rend la trajectoire des prix du combustible nucléaire incertaine, souligne Vivan Sorab, premier directeur, Technologie propre. Les droits de douane sur l’uranium canadien avaient d’abord été fixés à 25 % avant d’être abaissés à 10 %. Réagissant à l’incertitude entourant les droits de douane, les opérateurs de réacteurs américains ont évité de signer de nouveaux contrats d’achat au début de l’année, selon Mining.com. Et comme les États-Unis dépendent de fabricants étrangers pour certains composants de réacteurs (p. ex., les réservoirs de pression), des droits de douane pourraient faire augmenter les coûts encore davantage.

  • Les énergies renouvelables étaient déjà touchées par des droits de douane. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) soulignait l’an dernier – bien avant que les États-Unis amorcent la présente guerre commerciale – que les droits de douane sur les systèmes et composants des énergies renouvelables étaient en moyenne deux fois plus élevés que ceux imposés aux combustibles fossiles.

  • Les technologies propres devenaient de plus en plus abordables. De nombreuses technologies ont vu leurs coûts baisser au cours de la dernière décennie. Selon l’AIE, des droits de douane de 100 % sur les modules photovoltaïques solaires annuleraient la réduction des coûts observée au cours des cinq dernières années.BloombergNEF fait remarquer qu’un certain nombre d’importations d’énergie propre de la Chine étaient déjà soumises à des droits de douane élevés et que ceux-ci augmenteront encore.

  • Les enjeux climatiques demeurent urgents. Les indices boursiers fluctuent constamment, mais l’indice mondial des émissions de carbone n’évolue que dans une seule direction : à la hausse. Les niveaux de CO2 n’ont jamais été aussi élevés en 800 000 ans, selon les estimations des Nations Unies. Chaque obstacle, pénurie de matériau et barrière commerciale retarde la maîtrise des émissions.

L’Inflation Reduction Act : abroger modifier ou conserver ?

L’Inflation Reduction Act pourrait être affectée par les mesures de réduction des dépenses envisagées par Washington.

Le Congrès américain est confronté à la question du financement du prolongement des dispositions de la Tax Cuts and Jobs Act, ce qui pourrait avoir une incidence sur les crédits d’impôt de l’Inflation Reduction Act. Voici l’analyse de RBC Marchés des Capitaux concernant les perspectives liées à cette loi.

➔ Le coût du prolongement des allègements fiscaux, estimé à quelque 4,5 billions de dollars US sur 10 ans, incite les législateurs à revoir, en contrepartie, toutes les facettes du régime fiscal américain, y compris les crédits d’impôt liés à l’énergie de l’Inflation Reduction Act.

➔ Dans une manifestation de soutien, 21 élus républicains de la Chambre des représentants ont récemment signé une lettre affirmant que le développement des énergies propres était crucial pour assurer la domination énergétique dont rêve Trump.

➔ De plus, 83 % des 126 milliards de dollars US investis dans le secteur privé de la fabrication depuis l’adoption de l’Inflation Reduction Act l’ont été dans des circonscriptions républicaines.

➔ Bien que RBC Marchés des Capitaux ne considère pas l’abrogation complète de la loi comme un scénario probable, elle juge qu’il est sans doute trop optimiste de penser que les législateurs républicains réussiront à protéger les crédits d’impôt à l’investissement dans les technologies propres face aux pressions exercées par le parti républicain et par Donald Trump lui-même.

Indicateur Trump

Toute une série de décrets et de décisions de Washington a une incidence sur le climat et la transition énergétique :

➔ Droits de douane « de réciprocité » : L’annonce, le 2 avril, a fait plonger les marchés et exacerbé les tensions. Les droits de douane de base étaient déjà fixés à 10 %, mais de nombreux pays se sont fait imposer des droits de douane plus élevés. Les proches partenaires commerciaux – le Canada et le Mexique – ont été temporairement épargnés. Alors que les marchés s’effondraient, Donald Trump a maintenu le droit de douane universel de 10 % pour la plupart des pays, mais imposé à la Chine des droits de douane de 125 %. 

➔ Résultat : La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a estimé que les nouveaux droits de douane étaient un « coup dur pour l’économie mondiale ». La Chine a répliqué avec des droits de 84 % sur l’ensemble des produits américains. 

➔ Droits de douane sur les véhicules importés : Des droits de douane généraux de 25 % ont été imposés sur tous les véhicules fabriqués à l’étranger. Les pièces conformes à l’Accord Canada-États-Unis-Mexique en sont exemptées pour l’instant. 

➔ Résultat : Le Canada a réagi en imposant des droits de douane correspondants sur les véhicules américains qui ne sont pas conformes à l’accord de libre-échange nord-américain. L’usine d’assemblage de Stellantis à Windsor a suspendu ses activités pendant deux semaines. 

➔ Stimulation de la production américaine de minéraux critiques : Le décret vise à accélérer et à augmenter la production d’uranium, de cuivre et de potasse. L’or et le charbon, souvent considérés comme moins critiques, figurent également sur la liste. 

➔ Résultat : Plusieurs minéraux indispensables pour des technologies essentielles comme les semi-conducteurs ne se trouvent pas en abondance aux États-Unis. Toutefois, selon l’Atlantic Council, les prêts et le soutien à l’investissement pour de nouveaux projets prévus par la Société de financement du développement international des États-Unis (DFC) pourraient stimuler la production. Un accord minier potentiel entre les États-Unis et le Congo témoigne des efforts considérables de l’administration pour sécuriser l’approvisionnement en minéraux. 

Créé par Yadullah Hussain, Directeur de rédaction, RBC Institut d’action climatique.

le bulletin Bouleversements climatiques ne pourrait pas exister sans la collaboration de John StackhouseMyha Truong-ReganSarah PendrithFarhad PanahovLisa AshtonShaz MerwatVivan SorabCaprice Biasoni et Frances Dawson.

Avez-vous des commentaires, des félicitations ou, euh, des critiques à faire ? Écrivez-moi à (mailto:yadullahhussain@rbc.com).

Bulletin d’information sur le climat

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