Le secteur de la construction d’immeubles en copropriété de la région du Grand Toronto est entré dans une période de grande paralysie, les ventes de logements avant la construction ayant dégringolé à des niveaux jamais vus depuis la crise financière mondiale.
Ce recul prononcé représente plus qu’un ajustement cyclique : il pourrait transformer le marché du logement de Toronto pendant de nombreuses années.
Les promoteurs sont confrontés aujourd’hui à une dure réalité, soit un effondrement de la demande et des coûts excessifs.
Selon nous, l’intérêt envers les copropriétés existantes augmentera à mesure que l’économie s’améliorera, mais il faudra une forte chute des stocks pour relancer l’activité dans les centres de présentation de nouvelles copropriétés.
La demande s’étiole au fil de l’évolution de l’économie
L’appétit des investisseurs qui alimentait habituellement le marché de la préconstruction à Toronto a fortement diminué en raison d’une réévaluation rigoureuse des principes fondamentaux d’investissement.
Le ralentissement de la demande de location entraîne une détérioration des perspectives de flux de trésorerie, tandis que les attentes plus réalistes d’appréciation du capital font disparaître une grande partie des gains qui rendaient auparavant les achats avant la construction attrayants, malgré les risques inhérents et les longs échéanciers.
Fait important, l’abondance de copropriétés existantes, souvent offertes à des prix inférieurs à ceux que les promoteurs peuvent proposer, a radicalement modifié le portrait concurrentiel.
Les coûts élevés d’aménagement et de construction ont fait grimper les prix des nouveaux projets au-delà de ce que de nombreux acheteurs peuvent se permettre, en particulier lorsqu’il existe des possibilités d’occupation immédiate et des commodités dans le quartier. Le comportement des acheteurs a donc radicalement changé comparativement à la frénésie observée pendant la pandémie. La crainte de rater des occasions ayant provoqué des achats précipités a fait place à des comparaisons patientes des chercheurs de logement, qui disposent maintenant d’un vaste choix et d’un bon pouvoir de négociation.
L’abondance des stocks crée un marché favorable aux acheteurs
L’abondance de l’offre caractérise à la fois les reventes et les unités invendues de projets de logements en cours de construction. Ce dernier chiffre a atteint son plus haut niveau en neuf ans, signe que les promoteurs peinent à écouler leurs stocks avant de lancer de nouvelles phases ou des projets.
Les conséquences vont bien au-delà de simples déséquilibres entre l’offre et la demande. Ce surplus de stocks crée un cycle qui se renforce lui-même : la surabondance de choix diminue l’urgence, permet aux acheteurs de négocier audacieusement, et rend les promoteurs de plus en plus hésitants à lancer des projets dans un marché saturé.
Les mesures politiques ne suffiront pas à combler l’écart
Les politiques adoptées récemment, dont le remboursement de la TPS pour les acheteurs d’un premier logement neuf, stimuleront un peu la demande et réduiront les difficultés d’accessibilité pour certains acheteurs potentiels.
Nous jugeons toutefois peu probable que les mesures incitatives de ce type débloquent l’ensemble du marché des nouvelles copropriétés. Le problème fondamental réside dans l’élimination de l’écart substantiel entre ce que les acheteurs sont prêts à payer et ce que les promoteurs peuvent offrir de façon viable, compte tenu des coûts élevés d’aménagement et de construction.
La longue route vers la reprise
La reprise généralisée de l’économie et le regain de confiance sur le marché finiront par ranimer la demande d’appartements en copropriété, mais une remontée des ventes avant construction prendra probablement plus de temps et sera plus complexe.
Le problème fondamental réside dans l’enchaînement des événements. Attirés par la disponibilité immédiate et les prix concurrentiels, les acheteurs se tourneront d’abord naturellement vers les stocks existants avant d’envisager de nouveaux projets à prix élevé comportant un risque inhérent de retard.
Cet ordre de préférence signifie qu’il est peu probable que la demande avant construction se rétablisse sensiblement tant que les stocks n’auront pas atteint des niveaux nettement inférieurs. Selon notre analyse de conditions de marché comparables au milieu des années 2010, il faudrait que les stocks diminuent d’au moins 25 % pour que les ventes de nouveaux projets reprennent de la vigueur.
Stocks en hausse malgré une baisse des mises en chantier
L’augmentation continuelle des stocks malgré la chute des mises en chantier de copropriétés, qui finira par réduire l’offre future, constitue un défi de taille pour le marché.
La pression financière exercée par les rajustements de taux hypothécaires pousse certains propriétaires, y compris des investisseurs, à mettre des propriétés en vente.
Par ailleurs, les acheteurs qui ont commencé à acquérir des logements avant leur construction il y a des années ont du mal à mener à bien leurs opérations, car les conditions de financement se sont resserrées et la valeur des propriétés s’est rajustée.
Il en résulte une dynamique de marché singulière caractérisée par l’apparition de futures contraintes touchant l’offre, alors même que l’abondance actuelle de l’offre s’accroît. Le décalage entre les difficultés actuelles liées aux stocks et l’insuffisance future de l’offre entraînera probablement une prolongation de la période d’ajustement du marché bien au-delà de ce que laissent entrevoir les situations précédentes.
Un déblocage en vue
Compte tenu de la complexité de multiples facteurs, il est très difficile de prévoir le moment de la reprise du marché des nouvelles copropriétés à Toronto.
Toutefois, en nous fondant sur des hypothèses raisonnables de redressement graduel des reventes, de faiblesse extrême des mises en chantier, de baisse des achèvements de construction et de stabilisation des nouvelles inscriptions d’ici l’an prochain, nous prévoyons que les stocks pourraient commencer à baisser au début de 2026.
Ce recul serait probablement graduel au début, puis s’accélérerait dans le courant de 2026, à mesure que les reventes gagneront en vigueur. De telles conditions sont susceptibles d’ouvrir la voie à une reprise de la demande de préconstruction au deuxième semestre de 2026, ainsi qu’à une plus grande activité en 2027.
Risques pesant sur le calendrier de la reprise
De multiples facteurs pourraient retarder la reprise annoncée.
Si l’économie était plus faible que prévu, la demande de logements pourrait en souffrir, tandis qu’une augmentation des nouvelles inscriptions viendrait prolonger l’absorption des stocks.
Un ralentissement plus marqué des marchés de location pourrait refroidir l’intérêt des investisseurs et, fait peut-être plus important encore, tout écart persistant entre les attentes de prix des acheteurs et les coûts réels des promoteurs risque d’entraîner le report de nouveaux projets.
Le secteur de la promotion immobilière doit aussi relever le défi consistant à maintenir la capacité opérationnelle pendant un repli prolongé, tout en se préparant à une éventuelle reprise. Le risque de perte de connaissances institutionnelles et d’expertise en promotion pendant une longue période d’inactivité pourrait créer des goulets d’étranglement de l’offre lorsque la demande s’améliorera.

Robert Hogue est membre du l’équipe Économique et leadership avisé RBC, se spécialisant dans l’analyse et les prévisions pour le marché de l’habitation canadien et les économies provinciales. Il compte parmi ses publications Tendances immobilières et accessibilité à la propriété, Perspectives provinciales et l’analyse des budgets provinciaux. Dans ses fonctions, il est fréquemment appelé à commenter l’évolution de la conjoncture économique auprès de la direction de RBC, de ses clients et des médias.
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