Trouver un logement abordable au Canada relève du parcours du combattant. Les politiques, les changements structurels, l’inflation et le comportement des consommateurs ont créé la tempête parfaite, propulsant les prix des propriétés et les loyers à des niveaux inédits.
La crise commence à toucher les personnes à revenu moyen et s’étend hors des centres urbains. Elle se répercute sur l’ensemble du contexte socioéconomique et menace le rêve d’accession à la propriété au Canada. Pour ne rien arranger, le pays connaît une croissance démographique record.
Selon le dernier rapport de RBC intitulé La grande reconstruction, près de la moitié des 2 millions de nouveaux ménages qui verront le jour d’ici 2030 ne seront pas en mesure d’accéder à la propriété. C’est presque autant que le nombre de ménages dans les provinces de l’Atlantique.
En vue de rétablir l’accessibilité à la propriété, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime que le Canada a besoin de 5,8 millions de nouveaux logements d’ici 2030.
Des mesures audacieuses sont requises pour combler l’écart entre l’offre et la demande et empêcher que la situation ne s’aggrave davantage. Il faut aussi renforcer la collaboration entre les principaux intervenants : décideurs, urbanistes, promoteurs immobiliers, entreprises de construction, institutions financières, etc.
D’autres réflexions s’imposent également à propos du type de logements requis et de la façon dont on peut intégrer des conceptions novatrices, ainsi que des techniques et des technologies de construction en vue de stimuler la productivité.
Les maisons préfabriquées existent depuis longtemps. Toutefois, les progrès et l’innovation dans le domaine de la construction les ont rendues plus attrayantes. Elles représentent désormais des solutions plus rapides et plus économiques que les méthodes de construction traditionnelles. Ces logements, qui peuvent aller des maisons unifamiliales à des immeubles de plusieurs étages, sont fabriqués dans un environnement contrôlé, puis transportés et assemblés sur les chantiers.
Trinh Theresa Do reçoit trois experts de la préfabrication : Craig Mitchell, directeur à BlackBox Offsite Solutions, Michele Tung, cheffe de la direction de homeD Modular, et Mark Stephenson, chef de la direction de Qube Building Systems, des entreprises qui exploitent la technologie pour repenser la construction et construire des logements de meilleure qualité, plus rapidement et à grande échelle.
Le secteur a encore besoin d’un soutien accru de la part des secteurs public et privé, mais la création d’un fonds pour l’innovation dans les technologies de construction résidentielle, récemment annoncé par le gouvernement fédéral dans le but de développer la construction de logements préfabriqués et modulaires, représente un pas dans la bonne direction.
Voilà une occasion pour le Canada de tirer parti de l’innovation dans la construction pour répondre aux besoins d’une population grandissante.
Lisez notre rapport : La grande reconstruction : sept façons de remédier à la pénurie de logements au Canada
Intervenante 1 [00:00:02] – Bonjour, ici Theresa. Je remplace John aujourd’hui. Les Canadiens ont du mal à trouver des logements abordables. Sous l’action conjuguée des politiques gouvernementales, des mutations structurelles, de l’inflation et des habitudes de consommation, la demande, le prix des maisons et les loyers ont atteint des sommets. La classe moyenne est sous pression – que dire des Canadiens moins nantis ! Et ce ne sont pas seulement les citadins qui peinent à se loger : la crise s’étend partout, brisant les espoirs d’accession à la propriété. Par-dessus le marché, la population canadienne croît à un rythme inédit. Le dernier rapport de RBC (« La grande reconstruction ») indique que plus de la moitié des nouveaux ménages (on en attend près de deux millions au cours des six prochaines années) ne pourront s’acheter une maison. C’est près du total actuel des ménages des provinces de l’Atlantique. Pour combler l’écart entre l’offre et la demande, il va falloir agir avec décision et vite, avant que la situation ne s’aggrave. Les solutions passent par une meilleure collaboration entre les parties prenantes, les décideurs politiques, les urbanistes, les promoteurs, les entreprises du bâtiment, les institutions financières, etc. Il nous faut aussi réfléchir au type de logements requis. D’où le sujet de discussion du jour : les constructions modulaires préfabriquées. Les maisons préfabriquées ne datent pas d’hier, mais les progrès réalisés en matière de technologie, d’innovation et de conception rendent la formule plus intéressante. Sur le plan des coûts d’achat ou de location, c’est aussi une solution prometteuse. Comment augmenter l’offre rapidement tout en tenant compte de l’impact du bâtiment sur le climat ? La capacité est limitée ; en matière de main-d’œuvre ou de matériaux, quel impact le recours aux maisons préfabriquées aura-t-il sur les coûts ? Que pouvons-nous faire pour prioriser l’innovation et, ainsi, contribuer à résoudre l’un des problèmes les plus criants de l’heure ? Ici Trinh Theresa Do. Vous écoutez le balado « Les innovateurs RBC ». Le terme « modulaire » fait penser aux blocs Lego, ou encore à ces meubles qu’on peut déplacer et assembler de différentes façons, suivant l’espace dont on dispose. Les éléments préfabriqués et modulaires se prêtent à une production en milieu contrôlé – des simples cloisons aux maisons familiales tout entières, voire aux immeubles à étages multiples. Les éléments sont ensuite transportés et assemblés sur place, ce qui est plus rapide et plus économique que selon les méthodes classiques. Notre premier invité est Craig Mitchell, responsable chez Black Box Offsite Solutions et partenaire de 720 Modular. Craig travaille dans le domaine depuis plus de vingt ans. Aujourd’hui consultant, il assiste les maîtres d’ouvrage, les architectes et les entrepreneurs tout au long des projets de construction modulaire. Bienvenue aux Innovateurs, Craig.
Intervenant 2 [00:02:45] – Tout le plaisir est pour moi.
Intervenant 1 [00:02:46] – Cela fait longtemps que vous vous occupez de construction modulaire. Qu’est-ce qui a changé depuis vos débuts dans ce domaine ?
Intervenant 2 [00:02:53] – J’ai vu effectivement beaucoup d’évolution au cours de ma carrière. Les premiers temps, au Canada, la construction modulaire intéressait surtout le secteur industriel. Pensez aux roulottes de chantier sur remorque ou aux bâtiments utilisés dans l’industrie des sables bitumineux. Je dirais que c’était surtout dans ce domaine qu’on utilisait des constructions modulaires au Canada, il y a dix ans encore à peu près. Depuis pas si longtemps, le Canada emboîte le pas au reste du monde, où les installations modulaires se prêtent à un usage permanent. On réalise que ce type de construction contribue à régler certains des problèmes auxquels fait face le secteur du bâtiment, par exemple en matière de main-d’œuvre et de personnel qualifié. Les gens explorent de nouvelles avenues permettant de résoudre une partie du casse-tête qu’entraînent les méthodes traditionnelles.
Intervenant 1 [00:03:44] – De fait, la construction préfabriquée ou modulaire à grande échelle présente aujourd’hui bien des avantages, surtout en contexte de crise du logement. Je crois cependant que sa pleine mise en œuvre se heurte encore à bien des obstacles. Pouvez-vous nous expliquer en quoi ils consistent surtout ?
Intervenant 2 [00:04:01] – Le premier frein, selon moi, est lié au fait que notre secteur du bâtiment n’a guère changé depuis plus d’un siècle. Les façons de faire sont bien enracinées et je crois que les acteurs ont du mal à adopter ces nouvelles formes de construction. Un changement s’impose. Quel usage faire de ces bâtiments, comment en permettre la construction à grande échelle ? Le passage à la vitesse supérieure, voilà l’un des principaux défis à relever. Il concerne d’abord les promoteurs immobiliers. Le secteur public canadien pousse fortement en faveur de la construction modulaire ; de nombreuses administrations provinciales ou municipales adoptent la formule, et le gouvernement fédéral est en train d’accoucher d’une stratégie de construction industrialisée. On constate donc un engouement. Cependant, les processus d’achat du secteur public datent quelque peu. La construction modulaire est un domaine particulier dont les pratiques de l’administration, qui restent à adapter, ne facilitent pas l’essor – ni celui, plus généralement, des constructions préfabriquées. Il faut donc orienter les méthodes d’approvisionnement du secteur public dans le sens de la collaboration ; l’approche « conception », « appel d’offres » et « construction » ne fonctionne pas, ici.
Intervenant 1 [00:05:19] – En quoi consiste cette approche, plus précisément ?
Intervenant 2 [00:05:22] – C’est celle que suit par exemple un maître d’ouvrage quand il fait appel à un architecte. On conçoit l’immeuble puis on fait venir les consultants. On dresse ensuite un budget qu’on soumet aux entrepreneurs, aux fins de l’appel d’offres. Ce qui arrive bien souvent, quand on procède ainsi, c’est un dépassement du budget. Il faut alors se remettre à la planche à dessin et modifier les plans pour que le projet respecte le budget. La construction modulaire exige une approche intégrée. Le maître d’ouvrage et les consultants doivent travailler ensemble, mais il faut aussi s’adjoindre un entrepreneur. Le constructeur des éléments préfabriqués doit faire partie de l’équipe. Il vous faut aussi la personne qui s’occupera de la logistique et de l’assemblage du bâtiment. La phase de conception peut même nécessiter d’avoir à ses côtés, dès le départ, les représentants de la municipalité ou de l’autorité compétente. Il faut collaborer avant de construire, avant d’ouvrir le chantier. C’est là que se joue la réussite ou l’échec du projet.
Intervenant 1 [00:06:30] – Si je comprends bien, il va falloir changer un tas de processus et de méthodes solidement ancrés. Dans les faits, comment redistribue-t-on les cartes ? Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour bousculer le statu quo et provoquer les réformes nécessaires?
Intervenant 2 [00:06:45] – Dans le secteur public, dans les municipalités, les promoteurs et les constructeurs en appellent depuis longtemps à la réduction de la bureaucratie liée à l’octroi des permis, et je me fais volontiers l’écho de leurs doléances. Je pense même que les permis concernant les constructions hors chantier devraient faire l’objet de procédures différentes ; l’essor de la construction modulaire exige plus de clarté en matière de délais d’octroi de permis. Si l’on ne sait jamais combien de temps il faut attendre avant d’obtenir les permis, ce type de construction ne présentera plus aucun avantage. Par ailleurs, pour que les gouvernements donnent le feu vert à la préfabrication, il faut des données solides, des exemples de projets réussis et des études de cas probantes. Tout cela a manqué jusqu’ici. Une chose qui me semble essentielle pour tout projet financé par les deniers publics, c’est de tirer les leçons et de recueillir des données tout au long de l’entreprise. C’est la seule façon d’acquérir progressivement des certitudes sur ce type de construction.
Intervenant 1 [00:07:57] – Ceux de nos clients et partenaires du bâtiment avec lesquels j’ai parlé trouvent en effet qu’on ne met pas suffisamment en commun les connaissances, et ils voudraient savoir quelles sont les bonnes pratiques à suivre. Vous travaillez aux quatre coins du pays, sous différents régimes administratifs. En matière de préfabrication, quelles sont les régions les plus en avance ? Qu’est-ce qui fait qu’on y obtient de bons résultats ?
Intervenant 2 [00:08:19] – J’ai œuvré principalement sur la côte occidentale de la Colombie-Britannique. Je travaille à Vancouver, où se trouve le ministère provincial du logement. Depuis au moins dix ans, ce ministère a beaucoup poussé en faveur des constructions modulaires, mais je le répète, les administrations qui, au Canada, marquent des points dans ce domaine sont celles qui accélèrent la délivrance des permis. En Colombie-Britannique, un organisme public fait la promotion des logements modulaires et les politiques de passation de contrat sont clairement définies en ce sens. J’ai participé récemment à un projet concernant un simple refuge pour personnes itinérantes ; nous avons utilisé les mêmes structures modulaires que nous transportions autrefois du nord de l’Alberta pour les monter dans de minuscules localités ontariennes. Il s’agit d’un un cas modèle : nous avons obtenu le permis de construire en quatre jours et le refuge pourra être ouvert moins de 35 jours après le début des travaux. C’est la preuve que la volonté politique requise existe dans notre pays. Nous en avons besoin à une plus grande échelle. Les gens doivent saisir l’ampleur de la crise du logement et les acteurs politiques doivent commencer à approuver plus vite ce genre de projet. C’est possible, selon moi. C’est une question politique, au bout du compte.
Intervenant 1 [00:10:07] – Quand on analyse la crise du logement, il est impossible de faire l’impasse sur la crise climatique. Selon vous, comment la préfabrication de maisons modulaires contribue-t-elle à réduire les émissions de GES ?
Intervenant 2 [00:10:22] – C’est une question essentielle. Les solutions écologiques me tiennent particulièrement à cœur. Le fait est connu : en favorisant la construction en usine ou industrialisée, nous réduisons l’empreinte carbone, par simple centralisation. Mieux : non seulement la fabrication se fait au même endroit, mais on livre aux chantiers des produits finis de meilleure qualité, qu’il s’agisse d’éléments individuels ou de volumes habitables déjà assemblés, d’où réduction supplémentaire des émissions. Les Canadiens doivent commencer à considérer l’industrialisation de la construction comme une solution au problème du logement écologique.
Intervenant 1 [00:11:07] – Selon vous, comment va évoluer le secteur canadien de la préfabrication au cours des dix prochaines années ?
Intervenant 2 [00:11:11] – Le Canada est un immense pays dont les agglomérations ont des caractères régionaux très marqués. Il faut en être conscient. Le développement du secteur en est tributaire : les besoins de la côte Est diffèrent de ceux de l’Ontario et de la côte Ouest. Il nous faut absolument envisager des plans régionaux, aménager chaque territoire en fonction de ses spécificités. Les possibilités sont là. J’ajoute, comme je l’ai dit tout à l’heure, que nous devons à tout prix recueillir de l’information sur les projets qui aboutissent, afin d’en tirer les leçons et de poursuivre l’expérience jusqu’à ce que le secteur privé adopte lui aussi la construction modulaire. C’est ce qu’ont fait les autres pays. Je crois que cela s’en vient chez nous, mais il faut que le secteur public montre la voie.
Intervenant 1 [00:12:04] – Ce serait donc affaire d’approche régionale, de collecte de données et de prise en charge des risques par le secteur public, auquel le privé pourrait ensuite emboîter le pas. D’excellentes pistes à suivre ! Merci beaucoup d’avoir été des nôtres et de nous avoir éclairés.
Intervenant 2 [00:12:17] – Ce fut un plaisir. Merci, Theresa.
Intervenant 1 [00:12:22] – Notre prochaine invitée est Michele Tung, PDG de HomeD, une entreprise spécialisée dans la construction modulaire écologique et l’offre de logements abordables (refuges et autres). Michelle fait également partie du conseil d’administration du First Nations Housing and Infrastructure Council de Vancouver et travaille à titre de bénévole au sein du comité des affaires gouvernementales du Modular Building Institute. Bienvenue aux Innovateurs, Michelle.
Intervenant 3 [00:12:42] – Je suis ravie d’être ici. Merci beaucoup, Theresa.
Intervenant 1 [00:12:44] – Nous essayons de voir aujourd’hui en quoi la préfabrication peut contribuer à atténuer la crise du logement. Comment et pourquoi les modules fabriqués en usine peuvent-ils résoudre les problèmes d’abordabilité et d’itinérance ?
Intervenant 3 [00:12:56] – Combinées, la préfabrication et la modularité permettent de répondre à la demande rapidement et avec beaucoup d’efficacité. En changeant de méthodes de fabrication, on peut faire des gains d’efficacité, réduire les coûts et réaliser des économies d’échelle. En usine, le travail se fait dans des conditions idéales. Le risque d’accidents est moindre, la sécurité accrue. De plus, qui dit centralisation dit optimisation du transport comme de l’approvisionnement en ressources et en fournitures, sans parler de la diminution des déchets.
Intervenant 1 [00:13:34] – Pourquoi avez-vous décidé de fonder une entreprise dans le secteur de la construction modulaire ?
Intervenant 3 [00:13:37] – J’ai lancé HomeD avec deux associés. L’un est architecte – un excellent ami, qui possède plus de 20 ans d’expérience en construction de gratte-ciel sous tous les cieux. Il a constaté que les méthodes traditionnelles font progressivement place à la construction modulaire. Il a donc créé son propre style de module, que nous avons utilisé à Vancouver et qui constitue une autre solution que les ossatures de bois ou la construction métallique classiques. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé HomeD. Il y en a une autre : nous étions au paroxysme de la pandémie et, pour la maman que j’étais déjà, le moment était venu de réfléchir, de penser aux prochaines générations. Je voulais faire quelque chose qui ait une portée sociale, un impact social, compte tenu de cet écart croissant entre les possédants et les démunis, entre les propriétaires et ceux qui ne trouvent pas de logement abordable.
Intervenant 1 [00:14:31] – Oui, un très grand intérêt de la construction modulaire, c’est qu’elle permet de bâtir à grande échelle et très vite. Immense avantage, à l’heure où tant de gens peinent à se loger, d’un bout à l’autre du pays. Par rapport à un logement classique, combien en coûte-t-il d’assembler une maison modulaire, de type conteneur par exemple, comme les vôtres ?
Intervenant 3 [00:14:51] – Excellente question, qu’on nous pose souvent : la construction modulaire est-elle meilleure marché que la construction traditionnelle ? Si l’on considère simplement le coût de construction, un bâtiment modulaire est forcément moins cher. Considérons maintenant les coûts associés à l’ensemble du cycle de vie. Les travaux s’exécutent toujours plus vite – ils nécessitent environ vingt à cinquante pour cent moins de temps. Par ailleurs, quand on centralise les opérations de fabrication, on peut optimiser certains postes, par exemple l’achat des matériaux. De plus, la qualité du produit fini est meilleure. Bref, ramenée à la durée de vie utile du logement, l’approche modulaire permet d’économiser de l’argent.
Intervenant 1 [00:15:37] – Combien de temps prend la construction d’une maison modulaire, par rapport à une maison classique ?
Intervenant 3 [00:15:44] – Un projet de 30 unités prend en moyenne 26 mois si l’on procède par ossatures de bois. Le recours à des éléments modulaires ramène les délais à neuf mois. On gagne donc énormément de temps.
Intervenant 1 [00:15:59] – Ce sont d’appréciables économies, en temps comme en coûts. Il n’y a qu’à songer aux frais d’assurance liés à la tenue du chantier : si les travaux se terminent plus tôt, vous économisez énormément. HomeD propose des modules standardisés qui peuvent être réutilisés, déplacés et reconfigurés. Pour quels types de logements la construction modulaire convient-elle le mieux ?
Intervenant 3 [00:16:23] – Avant tout, pour des assemblages répétitifs. Pour vous donner un exemple, les unités tiennent sur un camion. Elles répondent donc très bien à la demande en logements abordables (habitations sociales, villages de retraités, etc.). C’est également l’idéal pour les résidences universitaires, les hôtels, les refuges ou les auberges de jeunesse.
Intervenant 1 [00:16:44] – Avec quels organismes travaillez-vous ?
Intervenant 3 [00:16:47] – HomeD a déjà collaboré avec la Lu’ma Native Housing Society de Vancouver, un organisme fort de plus de 30 années d’expérience et bien au fait des besoins du marché. Ses membres ont vu que nous proposions une solution originale, différente des ossatures de bois et des constructions métalliques traditionnelles. Nous avons examiné avec eux les besoins à combler et comment remédier aux problèmes. Les modules que nous avons créés avec Lu’ma résultent d’un effort de collaboration visant à offrir un produit qui trouve toute son utilité au Canada, pas seulement en ville, mais aussi dans les zones rurales et les contrées éloignées.
Intervenant 1 [00:17:22] – Fantastique. Cela nous amène à ma prochaine question, qui est en rapport avec les enjeux climatiques et écologiques. Il est très tentant aujourd’hui de considérer les besoins en logements aussi nombreux et abordables que possible comme plus importants que, par exemple, la crise climatique. Or nous savons qu’il faut construire des maisons qui résisteront aux catastrophes climatiques et qui n’augmenteront pas notre empreinte carbone. J’aimerais que vous nous expliquiez en quoi les logements préfabriqués sont ou peuvent être plus écologiques que les logements classiques.
Intervenant 3 [00:17:52] – Actuellement, la construction d’une maison modulaire, au Canada, n’est guère autre chose que le montage en usine d’une ossature de bois traditionnelle. Nous n’avons donc pas encore tiré tout le parti de la formule. Du point de vue climatique, l’efficacité est loin d’être maximale. Mais dès que nous en serons à utiliser des matériaux de meilleure qualité, notamment pour tout ce qui nuit à l’efficacité énergétique, nous aurons des logements bien isolés et nous constaterons alors tout l’intérêt de la construction modulaire en matière climatique.
Intervenant 1 [00:18:27] – D’après votre expérience, compte tenu de l’état actuel du secteur du bâtiment et du parc de logements actuel, de quels moyens disposent les constructeurs, toutes techniques confondues, pour réduire leurs émissions ?
Intervenant 3 [00:18:41] – Ce ne sont pas les moyens qui manquent. Revoir la conception, choisir de meilleurs emplacements, rénover en fonction du climat… Celui-ci se réchauffe, mais les systèmes de climatisation ne s’imposent pas dans tous les cas ; il existe des solutions « passives » (écrans, volets roulants et autres dispositifs réfléchissant le rayonnement UV). On peut encore se conformer aux normes et certifications ad hoc (LEED and Green, par exemple). Et puis il est possible aussi d’optimiser nos équipements domestiques (systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, appareils d’éclairage ou électroménagers). Améliorer l’enveloppe des bâtiments, vérifier l’étanchéité, opter pour des fenêtres de meilleure qualité…
Intervenant 1 [00:19:24] – Que faudrait-il, selon vous, pour généraliser la construction modulaire au Canada?
Intervenant 3 [00:19:29] – Beaucoup d’éducation ! Dans ce domaine, il reste beaucoup à apprendre. Certes, le gouvernement doit pousser à la roue et les municipalités doivent suivre un plan de match, mais il faut faire bien davantage, je crois. Proposer plus de programmes incitatifs, par exemple. Je ne nous vois pas atteindre notre objectif (5,8 millions de logements supplémentaires d’ici 2030) si nous ne recourons pas à la construction modulaire. Il faut donc rendre la formule attrayante pour les promoteurs. Il faut que, dans les usines, les méthodologies JAT (juste-à-temps), TQM (gestion de la qualité totale), PVA (production à valeur ajoutée ou lean), etc. deviennent familières. La collaboration et l’ouverture d’esprit sont donc de mise. En matière de financement, la SCHL doit revoir son approche qui, actuellement, n’est adaptée qu’aux modes de construction traditionnels. Il faut bien comprendre que, en construction modulaire, une bonne partie du financement des immobilisations est requise en amont des projets.
Intervenant 1 [00:20:27] – Ce sont là de vibrants appels à l’action. Merci d’avoir participé aux Innovateurs, Michelle.
Intervenant 3 [00:20:31] – Merci à vous, Theresa.
Intervenant 1 [00:20:36] – Notre dernier invité est Mark Stephenson, fondateur et président de Cube Building Systems, une entreprise spécialisée dans les sciences du bâtiment et les technologies connexes. Grâce aux techniques et processus que lui inspirent l’industrie automobile et le secteur aéronautique, Cube conçoit des immeubles modulaires de taille moyenne ou élevée. Bienvenue aux Innovateurs, Mark.
Intervenant 4 [00:20:52] – Bonjour. Merci de m’avoir invité.
Intervenant 1 [00:20:53] – Rappelons le sujet du jour : les logements préfabriqués et la construction modulaire. On en parle depuis des dizaines d’années, mais ce n’est que maintenant qu’on y voit un remède à la crise du logement. Pourquoi maintenant, Mark ?
Intervenant 4 [00:21:06] – Parce que nous y sommes acculés ! La demande en logements est si forte qu’on ne peut y répondre uniquement par des moyens classiques. Nous devons faire autrement, nous tourner vers la préfabrication, la modularisation et autres approches modernes. Nous ne pensons pas que la préfabrication est la panacée ; c’est un élément de solution. Ce secteur s’est beaucoup développé, notamment ces dix dernières années ; on a proposé des modules universels, généralement installés dans le cadre de projets modestes ou peu prestigieux, ce qui, je crois, a quelque peu discrédité la formule. À présent, toutefois, on reconnaît qu’elle est de portée beaucoup plus étendue et peut donner lieu à de remarquables réalisations. Cet engouement a de quoi nous réjouir, nous qui œuvrons depuis longtemps dans ce domaine.
Intervenant 1 [00:22:06] – Pouvez-vous nous donner une idée des étapes que suit votre entreprise pour construire un bâtiment, par rapport aux méthodes classiques ?
Intervenant 4 [00:22:15] – Une remarque importante s’impose : nous ne parlons pas de phases ou d’étapes. Tout le projet ne constitue qu’une seule et même opération. C’est là que réside au fond toute notre façon de penser. L’un des freins auxquels se heurte l’industrie du bâtiment est que les acteurs y travaillent chacun de son côté, ce qui les amène souvent en opposition. Le risque se propage le long de la chaîne de valeur et cela complique beaucoup les choses. Notre approche est beaucoup plus ouverte : parce que nous avons conçu un mode de construction intégré – suivant en cela une approche qui, elle-même, est « orientée produit » –, nous pouvons placer le produit, son amélioration continue, son transport, son installation, sa mise en service et son exploitation au cœur de l’ensemble circulaire que constituent dès lors sa chaîne de valeur et les acteurs qui y participent. C’est une approche totalement différente, parce que tout est conçu en fonction de l’utilisateur final – l’occupant –, la question étant : quel type d’immeuble devons-nous offrir ? La conception repose sur notre système de construction, qui prend tout en compte – répartition des unités de l’immeuble, mixité des usages, fonctions, accessoires, composantes… C’est une approche particulièrement holistique – intégrale.
Intervenant 1 [00:23:39] – Qu’entendez-vous par là ? Traditionnellement, on convoque des architectes, des ingénieurs, des équipes diverses qui, après chaque étape, se passent le flambeau. Vous nous dites ici que Cube Building Systems s’occupe de tout cela elle-même. Il s’agit d’une intégration verticale.
Intervenant 4 [00:23:59] – Oui, d’une certaine façon. Mais il faut quand même travailler avec des partenaires, et non pas de manière isolée. Ainsi, les systèmes de fourniture d’énergie ou CVC, la façade du bâtiment, les dispositifs d’isolation thermique, tout cela est déjà conçu dans notre produit – de manière configurable, bien entendu : quand les spécificités du projet exigent de recueillir l’avis des partenaires, ingénieurs ou architectes externes, nous apportons à notre système de construction les quelques modifications que réclame le cahier des charges. Le plus gros de l’ingénierie, toutefois, est déjà contenue dans notre produit. Nous ne nous substituons donc pas aux autres acteurs de la chaîne de valeur ; nous changeons l’ordre des événements en fonction de tel ou tel élément de conception ou d’exécution du projet.
Intervenant 1 [00:24:58] – Pouvez-vous nous décrire le processus que vous suivez, depuis la vision initiale jusqu’à la construction proprement dite, en passant par la conception de l’immeuble ?
Intervenant 4 [00:25:09] – Tout à fait. Je dirais que la première étape consiste à déterminer précisément le cas d’utilisation en jeu. Quel type d’immeuble allons-nous bâtir ? Qui y résidera ? Qui en seront les occupants ? Nous étudions d’abord les possibilités d’optimisation de la densité et les facteurs économiques connexes. Nous procédons à la distribution des masses, peu importe que ce soit dans une perspective de location au taux du marché ou de location économique (abordable). Nous nous penchons sur la diversité des unités dès le début du projet, en réfléchissant à ce que vont nécessiter la fabrication des modules et composantes, leur transport, leur installation et leur mise en service, autrement dit le passage à un immeuble fonctionnel.
Intervenant 1 [00:25:53] – Quelles difficultés cherchez-vous à résoudre avec votre système ?
Intervenant 4 [00:25:57] – Quand nous avons lancé notre entreprise, nous avons mené une étude qui laissait entrevoir un créneau – une solution complémentaire dans le secteur de la construction. C’est en fait cette prémisse qui nous a amenés à développer notre système. Nous avons d’emblée décidé que nous étions davantage versés dans les sciences et technologies du bâtiment que dans la construction et la préfabrication. Ces deux aspects ne sont que des sous-éléments du système que nous cherchions à produire. Nous avons voulu développer un système à part entière, de manière très semblable à ce qui se fait dans l’industrie automobile ou dans le secteur aéronautique. Nous empruntons à la construction traditionnelle et aux matériaux traditionnels, mais nous cherchons aussi ailleurs – d’autres matériaux, d’autres méthodes d’installation. Nous ne voulions pas proposer quelque chose de « bâti », de « construit ». Nous visions un produit préfabriqué, assemblé, installé. Nous préférons utiliser ce vocabulaire, qui exprime mieux notre vision.
Intervenant 1 [00:27:10] – Vous le savez, le secteur du bâtiment est bien connu pour entretenir le statu quo. La manière de bâtir actuelle n’est guère différente de celle qui a été employée pendant des générations. Bien des constructeurs avec lesquels je me suis entretenue n’en sont même pas encore à la préfabrication, alors n’allez pas leur parler de construction industrialisée ou de système totalement intégré comme celui de Cube. Qu’est-ce qu’il faudrait pour que les constructeurs adoptent une telle approche ?
Intervenant 4 [00:27:32] – Regardez les perspectives actuelles du marché : l’offre de logements est extrêmement réduite. Les constructeurs classiques ne peuvent répondre à la demande. C’est pour cela que l’innovation doit entrer en scène. Nous avons réalisé d’entrée de jeu qu’il nous faudrait faire nos preuves : développer un système, l’essayer, l’appliquer dans le cadre de projets réels. La résistance habituelle, la préférence pour le statu quo font qu’on ne veut pas essayer – on préfère attendre que le risque ait été atténué ou soit devenu acceptable par le plus grand nombre. Pour emporter l’adhésion du marché, il faut faire la démonstration de la solution proposée, faire preuve de leadership avisé et présenter le produit en action. Alors, peut-être d’autres s’accrocheront-ils au véhicule de tête et contribueront-ils à vaincre l’inertie.
Intervenant 1 [00:28:21] – Eh bien l’invitation est lancée ! Merci infiniment d’avoir participé aux Innovateurs, Mark.
Intervenant 4 [00:28:25] – Merci de m’avoir invité.
Intervenant 1 [00:28:29] – Nous avons entendu aujourd’hui trois experts en préfabrication – des innovateurs. Misant sur la technologie, ils repensent l’univers de la construction. Objectif : permettre que des habitations soient bâties plus vite, mieux et en grand nombre. La préfabrication exige encore le soutien de l’État et du secteur privé. Pour convaincre les Canadiens, l’industrie a besoin de solutions probantes et de réussites manifestes. C’est l’objet de notre dernier rapport sur le logement (« La grande reconstruction ») qui, sur la question de l’offre et de l’abordabilité, fait six autres recommandations. Pour en prendre connaissance, consultez la page rbc.com/lagrandereconstruction.
[00:29:00] Le Canada est à même de mieux construire afin de répondre aux besoins d’une population en pleine croissance. Comment y parvenir ? Je m’appelle Trinh Theresa Do et vous venez d’écouter le balado de RBC « Les innovateurs ». À la prochaine fois !
Intervenant 5 [00:29:19] – Le balado « Les innovateurs » est produit par le groupe Leadership avisé RBC et ne vise pas à recommander une organisation, un produit ou un service. Pour écouter d’autres balados de la série « Les innovateurs », consultez le site RBC.com/Lesinnovateurs. Si vous avez aimé notre balado, n’hésitez pas à nous octroyer une note de cinq étoiles.
Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Le lecteur est seul responsable de toute utilisation des renseignements contenus dans le présent document, et ni la Banque Royale du Canada (« RBC »), ni ses sociétés affiliées, ni leurs administrateurs, dirigeants, employés ou mandataires respectifs ne seront tenus responsables des dommages directs ou indirects découlant de l’utilisation du présent document par le lecteur. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses sociétés affiliées ne font pas la promotion, explicitement ou implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.
Le présent document peut contenir des déclarations prospectives – au sens de certaines lois sur les valeurs mobilières – qui font l’objet de la mise en garde de RBC concernant les déclarations prospectives. Les paramètres, données et autres renseignements ESG (y compris ceux liés au climat) contenus sur ce site Web sont ou peuvent être fondés sur des hypothèses, des estimations et des jugements. Les mises en garde relatives aux renseignements présentés sur ce Site Web sont exposées dans les sections « Mise en garde concernant les déclarations prospectives » et « Avis important concernant le présent rapport » de notre Rapport climatique le plus récent, accessible sur notre site d’information à l’adresse https://www.rbc.com/notre-impact/rapport-citoyennete-dentreprise-rendement/index.html. Sauf si la loi l’exige, ni RBC ni ses sociétés affiliées ne s’engagent à mettre à jour quelque renseignement que ce soit présenté dans le présent document.