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Les finances fédérales du Canada peuvent-elles résister à une guerre commerciale dans un contexte baissier ?

L’économie canadienne est appelée à fléchir dans le contexte des guerres commerciales qui font rage, même si les États-Unis ont renoncé à déployer des droits de douane réciproques généraux pour appliquer uniquement des droits de douane ciblés à l’égard du Canada.

Les droits de douane imposés par les États-Unis à la Chine et à plusieurs autres partenaires commerciaux, dans un climat d’incertitude grandissante, pourraient donner un coup de frein à la croissance américaine et peser sur la croissance canadienne. La baisse des prix du pétrole est un autre facteur aggravant.

Notre scénario de base actuel n’implique pas de récession technique. Néanmoins, l’économie canadienne fonctionne déjà en deçà de ses capacités, avec une croissance faible depuis deux ans. Bien que la politique douanière actuelle, dans un contexte inflationniste, puisse compliquer la tâche de la Banque du Canada, nous estimons qu’elle pourrait encore réduire ses taux d’intérêt.

Cela dit, alors que les frictions commerciales actuelles menacent la croissance canadienne en 2025 et que des chocs commerciaux beaucoup plus prononcés sont à prévoir, la politique monétaire ne sera sans doute pas la première ligne de défense pour protéger l’économie. La politique budgétaire jouera un rôle clé, car elle est mieux à même de fournir un soutien opportun, ciblé et temporaire.

Avant même l’apparition des tensions commerciales, plusieurs obstacles menaçaient de se dresser face à la dette publique, avec des pressions sur les dépenses allant du logement au vieillissement de la population en passant par la prochaine élection fédérale. Aujourd’hui, alors qu’une réorganisation mondiale du commerce est en jeu, il est légitime de se demander si les finances fédérales peuvent résister à une guerre commerciale de grande ampleur et à ses retombées.

En tant que premier thème dans un débat qui devrait se prolonger toute l’année, voici à quoi les finances fédérales pourraient être confrontées, et ce que cela signifie pour la santé budgétaire du Canada.

Aucun grand changement n’était attendu concernant le fardeau de la dette fédérale, même avant l’engagement de nouvelles dépenses

La croissance économique de l’année dernière s’est avérée plus soutenue que ce qui était prévu dans la mise à jour fédérale de l’automne, mais les nouvelles positives s’arrêtent là. Selon nos dernières prévisions d’avril, la croissance sera quelque peu ralentie à l’avenir, en particulier en 2026.

L’actualisation du déficit et de la dette fédérale en fonction de ces nouvelles prévisions économiques (et sans aucune autre information) dans la Mise à jour économique de l’automne indique que le lent déclin du ratio de la dette fédérale qui était prévu à l’automne devrait faire du sur place, comme point de départ.



Les promesses de campagne impliquent que la politique budgétaire pourrait être modérément (ou un peu plus) expansionniste, mais en cas de choc majeur causé par les droits de douane, le soutien nécessaire serait probablement plus important

Dans la course à l’élection fédérale du 28 avril, aucun parti n’a encore publié de programme chiffré incluant le profil des dépenses liées aux promesses électorales. Cependant, les annonces suggèrent qu’une partie de ces dépenses pourrait être allouée aux deux prochaines années, avec notamment des milliards de dollars de baisse d’impôt sur le revenu pour les particuliers.

De plus, une augmentation des dépenses de défense est probablement à l’ordre du jour, en vue d’atteindre l’objectif de 2 % fixé par l’OTAN. Le gouvernement fédéral et les provinces ont annoncé plusieurs programmes de soutien aux entreprises et aux travailleurs pour faire face aux tensions commerciales. À ce jour, les programmes de soutien sont relativement limités, mais ils pourraient ajouter à l’impulsion budgétaire.

Le soutien budgétaire pourrait être favorable dans les conditions actuelles, mais il devrait être beaucoup plus important en cas de choc commercial majeur. L’impact d’un choc commercial sur l’économie canadienne dépend des spécificités. À titre indicatif, nous avons modélisé un scénario grave et improbable de droits de douane américains de 25 % sur le Canada pendant trois ans, ce qui entraînerait une récession de deux ans si nous excluons tout soutien budgétaire ou monétaire.

Pour combler l’écart économique, une réponse budgétaire nette d’environ 145 milliards de dollars pourrait être nécessaire pour les deux prochaines années, déduction faite de certaines recettes relatives aux droits de douane de représailles, ce qui représente 4,7 % du produit intérieur brut (en supposant que les droits de douane soient appliqués à partir du deuxième trimestre 2025). Si le gouvernement fédéral prenait en charge l’intégralité de ce soutien, son ratio de dette nette atteindrait un niveau de 46 % équivalent au sommet enregistré pendant la pandémie. Le sommet serait d’environ 45 % si la part fédérale était plus proche des 80 % pris en charge durant la pandémie.



Un soutien est attendu dans le contexte d’une récession, et il est peu probable que cela déclenche des signaux d’alarme s’il est dimensionné et ciblé de manière appropriée

En tant qu’acheteurs de dette, les investisseurs sont les arbitres ultimes de la viabilité budgétaire, et les marchés de la dette d’État sont généralement les plus efficaces au monde. D’un autre côté, ils sont impitoyables pour les plus faibles.

Malgré cette augmentation, les ratios de la dette canadienne resteraient relativement favorables et le gouvernement aurait sans doute une meilleure marge de manœuvre budgétaire, en comparaison avec la vision d’un endettement qui se serait détérioré sur une base absolue. La dette brute consolidée du gouvernement canadien est élevée par rapport à d’autres pays notés AAA, mais sa dette nette, beaucoup plus modérée, est la plus basse du G7.

Normalement, la puissance du soutien budgétaire est déployée en période de récession ou de crise structurelle, afin de protéger l’économie et l’aider à s’ajuster. Un choc commercial permanent se traduirait par ces deux cas de figure. À présent que la guerre commerciale n’est plus centrée sur l’Amérique du Nord, les économies d’Europe et d’Asie sont également susceptibles d’avoir recours à des politiques budgétaires pour pallier le ralentissement de leur croissance. En d’autres termes, le Canada fournirait un soutien budgétaire à son économie en parallèle avec d’autres pays.

À condition que les gouvernements ciblent et dimensionnent raisonnablement leur soutien budgétaire, la réponse des marchés et des agences de notation devrait être limitée. Les leçons tirées de la réponse budgétaire face à la pandémie nous montrent à quel point des programmes de soutien disproportionnés et étendus peuvent alimenter la fraude et attiser l’inflation.

En outre, comme nous l’avons écrit, la politique adoptée pendant la pandémie n’est pas la meilleure voie à suivre dans le contexte d’un choc commercial, étant donné que l’économie pourrait être structurellement différente dans les circonstances actuelles. À la différence des mesures prises pendant la pandémie, nous pensons que plus les programmes budgétaires seront axés sur des ajustements structurels, mieux ils seront accueillis.



Se préparer à de nouvelles dépenses importantes

Les questions budgétaires vont au-delà du soutien à l’économie dans un scénario de récession liée au commerce international, même si pour l’heure tous les regards sont tournés vers les guerres commerciales et la réponse des gouvernements à court terme.

Hormis le plan attendu pour diversifier les marchés d’exportation et stimuler les investissements des entreprises, le logement, le vieillissement, le climat, la défense et le coût de la paix commerciale avec les États-Unis sont autant de facteurs qui pourraient entraîner une hausse des dépenses structurelles. C’est tout aussi vrai au Canada que dans les économies développées confrontées à des problèmes similaires.

Si les niveaux de la dette publique augmentent pendant une période prolongée, les gouvernements devront faire en sorte que les nouvelles dépenses se traduisent par une croissance suffisante pour que les niveaux de la dette restent viables. Il s’agit d’un équilibre délicat que nous explorerons dans le cadre de nos recherches en 2025.


Cynthia Leach est économiste en chef adjointe à RBC et responsable de l’analyse économique et politique structurelle de l’équipe. Elle a rejoint l’équipe en 2020.

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