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Les droits de douane frappent au cœur de l’industrie canadienne

Les bouleversements causés par la politique commerciale des États-Unis posent des défis de taille aux exportateurs canadiens.

L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) a protégé une bonne partie des marchandises canadiennes expédiées aux États-Unis, puisque 88 % d’entre elles ont été exemptes de droit en juillet. Il a contribué à éviter un repli généralisé de l’économie, mais cette résilience globale masque de profondes disparités entre les secteurs et les régions.

Les droits de douane ciblant l’acier, l’aluminium et certains produits automobiles ont eu des répercussions disproportionnées sur les principaux secteurs manufacturiers. Les pressions ont été particulièrement fortes sur l’Ontario et le Québec, des provinces essentielles aux exportations et à la fabrication du Canada.

Les récents développements, notamment les nouveaux droits de douane américains sur le cuivre, les droits de douane chinois sur le canola et d’autres produits agricoles, ainsi que l’élargissement des marchandises visées aux produits dérivés de l’acier et de l’aluminium, laissent entrevoir des risques accrus. Ces différents droits touchent les secteurs exportateurs du Canada de façon très inégale.

D’après de récentes données sur les droits perçus sur les importations américaines, le taux effectif moyen des droits appliqués aux produits canadiens reste inférieur à celui imposé à la plupart des pays. Il avoisinait 3 % en juillet. Ce taux moyen masque les écarts importants entre les catégories de produits, certains secteurs étant confrontés à des fardeaux considérablement plus lourds que d’autres.

Parmi les produits canadiens exportés, ceux visés par les droits infligés en vertu de l’article 232, pour la plupart exclus des exemptions offertes par l’ACEUM, ont été les plus touchés.

Rien qu’en juillet, l’aluminium et les produits en aluminium ont fait l’objet de droits de douane d’environ 188 millions de dollars américains, selon le Census Bureau des États-Unis. Cela correspond à un taux effectif moyen de 32 % ; ce taux est le plus élevé de tous ceux applicables aux exportations canadiennes vers les États-Unis.

De même, les droits appliqués à l’acier et aux produits en acier ont totalisé 189 millions de dollars américains, et ceux appliqués aux véhicules et aux pièces, 392 millions de dollars, pour des taux effectifs moyens d’environ 29 % et 13 %, respectivement.



Outre les droits visant des marchandises spécifiques, les droits de douane appliqués à d’autres produits tels que les aéronefs et les pièces, les machines et les meubles ont également augmenté au cours des derniers mois. Cela pourrait être en partie dû au fait que certains de ces produits sont classés comme des articles contenant de l’acier ou de l’aluminium, ce qui les rend partiellement assujettis aux droits de douane de l’article 232.

Une part plus petite des exportations est peut-être aussi touchée par les droits de douane appliqués en vertu de l’International Emergency Economic Powers Act sur les biens non conformes à l’ACEUM. Globalement, les droits de douane américains s’élèvent en moyenne à 27 % pour l’ensemble des produits taxés.

Les droits de douane américains ont pour conséquence directe notable un affaiblissement de l’activité manufacturière au Canada.

Le produit intérieur brut (PIB) réel du secteur manufacturier s’est contracté d’environ 2,2 % de janvier à juin. Ce repli s’est répercuté sur l’emploi, puisqu’environ 58 000 postes ont été supprimés dans le secteur depuis le début de l’année.

L’augmentation des droits de douane américains sur l’acier, l’aluminium et certains produits automobiles a considérablement réduit la demande des États-Unis. Entre janvier et juillet, les exportations canadiennes d’acier et de produits connexes vers les États-Unis ont chuté d’environ 22 % par rapport à la même période en 2024. Les exportations de produits en aluminium ont reculé de 7 %, et celles de véhicules et de pièces ont diminué de 5 % pendant la même période1.

Des efforts sont déployés pour diversifier les échanges commerciaux et accroître les exportations vers d’autres marchés ; au deuxième trimestre, les exportations de produits en aluminium ont augmenté vers des régions comme l’Union européenne. Toutefois, à court terme, ces initiatives ne devraient compenser qu’en partie l’accès réduit au marché américain.

Dans l’ensemble, le volume total des exportations visées par les droits de douane de l’article 232 a enregistré un déclin considérable sur un an.



Les ventes sur le marché canadien n’ont pas suffisamment augmenté pour compenser la baisse des exportations vers les marchés américains, ce qui aggrave les difficultés.

Les ventes réelles du secteur manufacturier canadien ont fléchi lors de cinq des six derniers mois, chutant de 3,4 % d’une année sur l’autre en juillet. Les données sur les ventes réelles des sept premiers mois de l’année montrent une contraction prononcée dans les secteurs visés par les droits de douane de l’article 232. Les ventes de métaux de première fusion et de produits métalliques fabriqués ont fléchi de plus de 4 % par rapport à la même période en 2024, tandis que les ventes de machines et de matériel de transport ont diminué respectivement de 2,4 % et de 1,7 %.

En raison des droits de douane, le prix de l’acier a grimpé pour les acheteurs américains. Le prix de l’acier laminé à chaud du Midwest américain a monté en flèche par rapport à des contrats similaires dans d’autres pays. Cette hausse a affaibli la demande d’acier des États-Unis et contribué à une surabondance de l’offre de certains produits en acier fabriqués au Canada (normalement destinés aux États-Unis) sur le marché intérieur. Cet excédent entraîne des difficultés, notamment des perturbations dans les activités et des pertes financières croissantes.



Le marché de l’aluminium pourrait être plus résilient. Les exportations canadiennes d’aluminium vers les États-Unis ont diminué, mais comme la production américaine est insuffisante et qu’il y a peu de solutions de rechange, le prix a flambé, atténuant les pertes liées à la diminution des exportations canadiennes.

Le Canada compte pour 56 % de l’aluminium importé aux États-Unis et joue donc un rôle crucial dans la chaîne logistique américaine.

Comme les droits de douane américains visent un éventail restreint de produits, certaines provinces sont plus touchées que d’autres pour ce qui est des exportations.

Selon nos calculs, les provinces où l’activité manufacturière occupe une place prépondérante, comme l’Ontario et le Québec, sont assujetties aux droits de douane effectifs moyens les plus élevés (d’après les droits calculés par les États-Unis), le taux étant largement supérieur à la moyenne nationale.



Les secteurs de l’acier et de l’aluminium représentent une part relativement faible du PIB réel des provinces, soit environ 1,3 % au Québec et 0,5 % en Ontario. Toutefois, les droits de douane ont des répercussions importantes sur les collectivités de ces provinces qui dépendent de la fabrication.

La plupart des suppressions d’emplois dans le secteur manufacturier canadien sont survenues en Ontario (59 %) et au Québec (22 %). Le sud-ouest de l’Ontario, le centre manufacturier de la province, a été très durement touché. Des villes comme Windsor (11,1 %) et Oshawa (9 %) affichent les taux de chômage les plus élevés parmi les régions métropolitaines de recensement désignées.



Les exportations provinciales de produits visés par les droits de douane de l’article 232 des États-Unis ont également plongé.

Les baisses les plus importantes ont été enregistrées dans les produits en acier, ainsi que dans les véhicules et les pièces. L’Ontario a connu un recul des exportations de ces produits de plus de 24 % et 5 %, respectivement, de janvier à juillet, comparativement à la même période l’an dernier. Les exportations d’aluminium du Québec, la première province à ce chapitre au Canada, ont chuté de 9,3 % au cours de la même période.

On s’attend à ce que les droits de douane effectifs moyens augmentent sur certains produits et certaines exportations provinciales.

En août, les États-Unis ont mis en place un droit de 50 % sur les produits en cuivre, en plus d’élargir la catégorie des produits dérivés de l’acier et de l’aluminium. Cette catégorie comprend désormais un plus grand nombre de biens en aval (meubles, machines et divers autres produits), qui sont ainsi partiellement soumis aux droits de douane de l’article 232 en raison de leur contenu en acier ou en aluminium.

Les nouveaux droits de douane américains sur le cuivre canadien devraient toucher des exportations annuelles d’environ 3,7 milliards de dollars, selon les prévisions pour 2024. Le Québec représente environ 2,7 milliards de dollars de ce montant, soit 2,2 % des exportations totales de la province en 2024.

Parallèlement, les droits antidumping et compensatoires sur le bois d’œuvre canadien qui ont été annoncés pourraient accentuer les pressions sur le secteur forestier de la Colombie-Britannique, qui souffre déjà d’une baisse de l’activité.

Les provinces des Prairies et de l’Atlantique font face à des droits de douane effectifs moyens comparativement moins élevés de la part des États-Unis, mais elles doivent composer avec d’autres entraves commerciales, notamment les droits de douane chinois.

Ainsi, environ 9,1 % des exportations totales de Terre-Neuve-et-Labrador sont assujetties à des droits de douane de la Chine, qui représente le deuxième marché d’exportation de la province pour les poissons et crustacés comme le homard. En outre, la Chine a augmenté ses droits sur le canola, alors qu’elle est le principal marché du Canada pour cette marchandise, une décision qui touche près de 6,3 % des exportations totales de la Saskatchewan.



  1. Acier et ouvrages connexes (SH 72 et 73), ouvrages en aluminium (SH 76) et véhicules automobiles et pièces (SH 87).  ↩︎

À propos de l’auteur

Salim Zanzana est économiste à RBC. Il se concentre sur les questions macroéconomiques émergentes, allant des tendances du marché du travail aux changements dans la croissance structurelle à long terme du Canada et des autres économies mondiales.


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