Points saillants
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Le contexte de ralentissement de la croissance économique a incité les banques centrales du Canada, de la zone euro et du Royaume-Uni à attendre.
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Aux États-Unis, l’assouplissement persistant des conditions du marché du travail (malgré des données sur l’emploi meilleures que prévu en novembre) et les premiers signes d’un ralentissement des dépenses ont entraîné un aplatissement de la courbe des taux et une dépréciation du dollar américain en décembre.
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Nous prévoyons que le ralentissement de la conjoncture déclenchera des réductions de taux en 2024, en commençant par la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque du Canada (BdC) vers le milieu de l’année.
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Les taux d’intérêt baisseront plus lentement qu’ils ont augmenté. Les craintes suscitées par l’inflation au cours des dernières années justifieront la mise en place d’un cycle d’assouplissement progressif et plus prudent de la part des banques centrales.
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Thème à l’honneur : Le ralentissement de l’économie met-il en péril la cote de solvabilité AAA du Canada ? Le Canada se situe entre le milieu et le bas du classement des économies notées AAA pour ce qui est des mesures clés qui influent sur la cote d’un pays. Il y a encore un écart important entre le Canada et la médiane des économies notées AA, mais cela peut changer rapidement, compte tenu d’un déficit public déjà important et de l’assombrissement des perspectives économiques intérieures.
Assouplissement en vue ?
Le contexte économique canadien continue de s’affaiblir, une série de données en baisse confirmant la contre-performance relative des autres économies. Au troisième trimestre, le PIB (annualisé) du Canada s’est contracté de 1,1 %, un recul plus important que prévu, surtout en raison du ralentissement des investissements des entreprises et de la stagnation des dépenses des ménages. C’est inférieur à la croissance record de 5,2 % aux États-Unis, au recul (non annualisé) de 0,1 % dans la zone euro et à la stagnation du Royaume-Uni au cours du même trimestre.
Le nombre de prêts non hypothécaires en souffrance a continué d’augmenter au Canada, alors que les ménages restent confrontés aux difficultés liées au ralentissement des tendances du marché du travail et au coût de la vie élevé. En conséquence, leur moral a chuté. En novembre, la confiance des consommateurs a atteint son niveau le plus bas depuis la pandémie au Canada, plus faible que les creux enregistrés pendant la crise financière mondiale. Les ménages canadiens ont déjà commencé à épargner davantage par mesure de précaution et en prévision de nouvelles augmentations des coûts hypothécaires, car la hausse des taux d’intérêt continue de se répercuter sur les contrats à taux fixe avec un décalage. En revanche, la confiance des consommateurs a plafonné aux États-Unis et a même commencé à rebondir dans la zone euro et au Royaume-Uni, après avoir déjà touché le fond quelques trimestres plus tôt.
L’aspect positif de la faiblesse des données économiques, c’est que l’inflation a ralenti, même aux États-Unis où le contexte économique était beaucoup plus solide, ce qui a permis aux banques centrales d’adoucir le ton. Aucune des banques centrales que nous couvrons ne sera pressée de réduire ses taux d’intérêt. Le président de la Fed, M. Powell, continue de repousser activement toute discussion sur un assouplissement de la politique monétaire, les qualifiant de « prématurées ». Mais nous nous attendons toujours à ce que le rendement supérieur de l’économie américaine s’estompe avec les premiers signes d’un assouplissement des marchés du travail et d’un ralentissement des dépenses de consommation. Selon nous, la Fed et la BdC devraient réduire graduellement leurs taux d’intérêt d’ici le milieu de 2024, alors que la BCE et la Banque d’Angleterre devraient les maintenir jusqu’au début de 2025.
Banque centrale
Taux directeur actuel
(Dernière décision)
Prochaine décision

BoC
5,00 %
+ 0 pb en décembre 2023
0 pb
en janvier 2024
La BdC a marqué une nouvelle pause en décembre, en même temps qu’une déclaration conciliante soulignant que la demande excédentaire au sein de l’économie était presque épuisée. Cela devrait maintenir une pression à la baisse sur l’inflation à l’avenir. Nous nous attendons à ce que la BdC évite de proclamer sa victoire contre l’inflation trop tôt, mais annonce la première baisse du taux du financement à un jour au deuxième trimestre de 2024.

Fed
5,25 à 5,50 %
+ 0 pb en novembre 2023
0 pb
en décembre 2023
Les pressions inflationnistes globales ont continué de ralentir aux États-Unis. Les conditions du marché du travail se sont également assouplies, malgré la baisse du chômage en novembre, et la croissance des salaires a ralenti. Le président de la Fed, M. Powell, s’est opposé à toute anticipation de baisse des taux en 2024, qualifiant la discussion de « prématurée ». Nous nous attendons à ce que la Fed maintienne ses taux jusqu’à ce qu’un affaiblissement des conditions ne déclenche la première réduction au deuxième trimestre de 2024.

Banque d’Angleterre
5,25 %
+ 0 pb en novembre 2023
0 pb
en décembre 2023
Après le statu quo ferme du mois de novembre, la Banque d’Angleterre devrait de nouveau maintenir son taux directeur à 5,25 % lors de sa réunion qui aura lieu plus tard cette semaine. Les pressions inflationnistes intérieures se sont atténuées, comme en témoigne le recul de l’IPC des services et de la croissance des salaires dans le secteur privé, deux facteurs qui ont été inférieurs aux projections antérieures de la Banque d’Angleterre. Une orientation restrictive devrait toutefois être maintenue, car ces indicateurs demeurent au-dessus des niveaux souhaités.

BCE
4,00 %
+ 0 pb en décembre 2023
0 pb
en décembre 2023
Un rapport sur l’indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC) plus faible que prévu en novembre a probablement cimenté la décision de la BCE de ne rien changer plus tard cette semaine et de maintenir le taux de dépôt à 4 %, parallèlement à des révisions à la baisse des prévisions d’inflation de la BCE. Le présidente de la BCE, Mme Lagarde, devrait toutefois souligner les incertitudes entourant ces prévisions et s’opposer à toute anticipation de baisse des taux en 2024.

RBA
4,35 %
+ 0 pb en décembre 2023
+25 pb
en février 2024
Les données positives en Australie depuis novembre, y compris l’IPC et la croissance des salaires ont laissé peu de place aux surprises : la RBA a décidé de maintenir ses taux inchangés lors de sa réunion de décembre la semaine dernière. La banque centrale attendra désormais les données de l’IPC du quatrième trimestre pour obtenir des détails sur les pressions exercées par les secteurs des services. Nous prévoyons que la RBA relèvera encore ses taux en février pour atteindre le taux final, avec des risques orientés vers un statu quo.
Garder un œil sur la cote de crédit du Canada
Le Canada est l’un des rares pays au monde à s’être vu attribuer la cote de solvabilité AAA de la part d’au moins deux des principales agences de notation mondiales.
C’était le cas des trois principales agences de notation depuis le début des années 2000, jusqu’à ce que Fitch abaisse la cote de solvabilité du Canada à l’été 2020 en raison de la forte augmentation des dépenses et déficits publics liés à la pandémie. En août de cette année, les États-Unis ont également perdu leur place tant convoitée en tête du classement de la deuxième agence de notation (Fitch) en raison des inquiétudes suscitées par les débats politiques controversés et répétés sur le plafond de la dette. Et il y a une semaine à peine, Moody’s a mis en garde la Chine contre un abaissement de sa cote de solvabilité en raison de préoccupations liées à la chute du marché immobilier en plus de l’augmentation de la dette des gouvernements locaux.
Presque tous les coûts d’emprunt dans l’économie sont déterminés sur les marchés comme un écart par rapport aux taux directeurs (« sans risque »). En cas d’abaissement de la cote de la dette souveraine, ces taux directeurs peuvent augmenter et faire grimper tous les autres taux d’emprunt des entreprises et des ménages, ce qui entraîne un resserrement des conditions financières.
Les cotes des entités infranationales, y compris celles des gouvernements provinciaux tendent à être étroitement corrélées avec la cote de la dette souveraine. Au Canada, la plupart des cotes de solvabilité provinciales n’ont pas été abaissées en même temps que la cote nationale en 2020. La Colombie-Britannique, par exemple, a été mise sous surveillance négative avant que sa cote soit abaissée un an plus tard, à l’été 2021. Et après que Fitch a abaissé la cote de la dette souveraine de la France fin avril de cette année, près des trois quarts des entités françaises également notées par Fitch ont également vu leur cote abaissée.
La bonne nouvelle, c’est que le Canada se classe convenablement dans toutes les mesures qui servent généralement à déterminer la cote de solvabilité d’un pays, ce qui donne à penser qu’aucun abaissement imminent de la cote n’est en vue. Les niveaux d’endettement des gouvernements et du secteur privé sont élevés, mais pas en dehors de la fourchette des autres économies notées AAA. Le Canada dispose également d’un secteur bancaire solide, d’une banque centrale crédible et d’un contexte politique relativement stable. De plus, sa position extérieure nette s’est constamment améliorée au cours de la dernière décennie.
Néanmoins, la plupart de ces mesures peuvent se détériorer rapidement dans un contexte de morosité économique. Or l’économie a vacillé sous le poids de facteurs défavorables croissants liés à la hausse des taux d’intérêt.
Points forts du Canada :
Les niveaux d’endettement brut sont élevés, mais la dette publique nette n’est pas en décalage par rapport à celle des autres économies notées AAA.
Le niveau de la dette publique brute au Canada est beaucoup plus élevé que celui des autres économies notées AAA, mais il est en grande partie attribuable au préfinancement par l’État du passif futur des régimes de retraite. Le niveau de la dette publique nette est beaucoup plus faible si l’on tient compte des importantes réserves d’actifs financiers, notamment les actifs de retraite.
Une augmentation du niveau d’endettement brut signifie toujours que les coûts du service de la dette publique sont beaucoup plus élevés au Canada que dans d’autres économies notées AAA. Le ratio charges d’intérêts de la dette publique/revenus du Canada est le plus élevé (env. 7 % en 2022) de tous les pays notés AAA, mais il reste bien inférieur à la médiane de 12 % des pays notés AA.
Le ratio dette du secteur privé/PIB du Canada est nettement plus élevé que par le passé, en partie en raison de l’expansion des bilans des ménages et des entreprises durant les périodes de taux d’intérêt bas. Mais ces ratios ont aussi augmenté ailleurs et le Canada se situe toujours dans la moyenne des autres économies notées AAA.
Le ratio du service de la dette au Canada est toutefois nettement plus élevé dans les secteurs non financiers privés, ce qui reflète probablement, du moins en partie, une plus grande sensibilité au resserrement de la politique monétaire et une répercussion plus rapide de ce resserrement sur les remboursements de la dette des ménages et des entreprises, d’autres pays étant susceptibles de rattraper leur retard au fil du temps – avant la pandémie, les ratios du service de la dette au Canada se classaient dans la moyenne des économies notées AAA.
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Un secteur financier résilient
Le Canada se classe relativement bien en ce qui concerne la résilience du secteur financier, grâce à l’appui d’une banque centrale indépendante et de banques commerciales bien capitalisées. Le Canada se classe au premier rang des économies notées AAA dans l’indice de développement financier du FMI, qui mesure l’accès aux institutions financières et aux marchés, leur profondeur et leur efficacité.
Les banques canadiennes sont relativement bien capitalisées – le ratio de fonds propres de catégorie 1 des institutions de dépôt canadiennes était d’un peu plus de 15 % en 2022, soit le deuxième ratio le plus faible parmi les autres économies notées AAA (juste au-dessus de l’Australie), mais toujours bien au-dessus des minimums réglementaires.
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Une crédibilité monétaire solide et une forte stabilité politique
Les craintes suscitées par l’inflation au cours des deux dernières années ont mis à l’épreuve la crédibilité des banques centrales. Mais le cycle dynamique de relèvement des taux d’intérêt visant à juguler l’inflation, aussi douloureux qu’il ait été pour les ménages, a également renforcé l’indépendance de la banque centrale. Les attentes d’inflation à court terme demeurent élevées au Canada, mais les attentes à long terme sont restées bien ancrées, plus proches de la cible de 2 %, ce qui témoigne de la confiance dans la capacité de la banque centrale de rétablir une inflation faible et stable à long terme.
En ce qui concerne la stabilité politique, le Canada se situe dans le 90e centile pour divers sous-indices de gouvernance, notamment « contrôle de la corruption », « voix citoyenne et responsabilité », « efficacité gouvernementale », etc., selon les indicateurs mondiaux de la gouvernance de la Banque mondiale. Le classement du Canada au chapitre de la stabilité politique et de l’absence de violence et de terrorisme s’est détérioré au cours des dernières années. Le pays se place dans le 74e centile parmi tous les pays classés en 2022. Ce classement reste toutefois supérieur à celui d’autres économies notées AA comme les États-Unis (45e centile), le Royaume-Uni (62e centile) ou la France (56e centile).
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Une position externe différente et plus forte que dans les années 1990
Lorsque S&P et Moody’s ont abaissé la cote de la dette souveraine du Canada au début des années 1990, on craignait qu’une dépréciation du dollar canadien n’entraîne une nouvelle détérioration de la position de la dette extérieure nette déjà importante du Canada, représentant -45 % du PIB en 1994, ce qui s’ajoutait aux effets négatifs de la crise budgétaire de l’époque. La faiblesse de la position extérieure et l’exposition à un choc monétaire ont amené le Wall Street Journal de l’époque à qualifier le Canada de « membre honoraire du tiers monde ».
Le dollar canadien s’échange actuellement à un taux de celui des années 1990, mais le risque d’une nouvelle détérioration est très différent aujourd’hui de ce qu’il était à l’époque. Le Canada est aujourd’hui un important créancier net du monde et ses actifs extérieurs nets représentent +30 % du PIB en 2022. Ce chiffre était encore inférieur à celui de certains autres pays notés AAA, mais aussi nettement supérieur à la médiane des économies notées AA.
De plus, les devises représentent une part beaucoup plus importante des actifs étrangers du Canada que de ses passifs. Cela signifie qu’un dollar canadien plus faible renforcera en fait la position extérieure, car il augmentera la valeur des actifs extérieurs nets (évalués en dollars canadiens). Enfin, une part importante de la dette en devises est également détenue par les entreprises, qui peuvent plus facilement atténuer les risques de change de nos jours, car elles tirent également une plus grande part de leurs revenus en devises des exportations.
Points toujours préoccupants :
Plus de la moitié de la dette publique totale du Canada est imputable aux gouvernements provinciaux, soit la part la plus élevée de la dette publique nationale totale de gouvernements non centraux de toutes les économies notées AAA. Cela peut poser des problèmes de gouvernance et d’ajustements budgétaires à l’avenir.
L’objectif budgétaire du gouvernement fédéral de maintenir le ratio de la dette nette au PIB sur une trajectoire baissière est également un engagement moins ferme qu’un déficit budgétaire équilibré et dépend d’une croissance régulière et stable du PIB au cours des prochaines années. Le ratio de la dette nette au PIB du gouvernement canadien se situe actuellement dans la moyenne des économies notées AAA, mais il peut se détériorer rapidement si les dépenses publiques augmentent au-delà des attentes, ou si l’économie s’affaiblit considérablement, ce qui réduirait en même temps les revenus du gouvernement.
L’économie canadienne a été moins performante au cours de la dernière année et affiche une cinquième baisse consécutive de la production par habitant au troisième trimestre de 2023. À l’avenir, le ratio du service de la dette déjà élevé du Canada devrait continuer à augmenter, ce qui limitera les activités à des niveaux inférieurs au potentiel en 2024.
Au-delà, les perspectives à long terme pour le Canada demeurent positives. La croissance démographique au Canada a été beaucoup plus rapide que dans d’autres économies avancées, et une population qui augmente est synonyme de potentiel de production et de croissance des revenus plus important dans l’ensemble de l’économie, ainsi qu’une assiette fiscale plus large dont laquelle les gouvernements peuvent puiser. Les cibles d’immigration annoncées récemment font état d’une croissance soutenue des résidents permanents jusqu’en 2026, ce qui s’ajoute à une augmentation du facteur travail et à une croissance potentielle du PIB dans les années à venir. Mais cela n’améliorera pas la croissance de la production par habitant, indicateur dans lequel le Canada est relativement mal classé par rapport aux autres économies notées AAA.
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