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Comment la richesse des ménages contribue à stimuler la consommation aux États-Unis

La situation des consommateurs aux États-Unis n’est pas liée à une question de vigueur généralisée, mais plutôt à un contexte où les Américains plus âgés et plus fortunés profitent d’un boom des revenus tirés des actifs liquides.

Dans l’ensemble, les bilans des consommateurs se sont raffermis au cours des dernières années, mais cela cache une divergence « en forme de K » sous-jacente à cet égard : la tranche supérieure de 10 % à 20 % des personnes qui gagnent un revenu – largement tributaire de l’appréciation des actifs liquides – stimule la croissance de la consommation, malgré une propension marginale relativement plus faible à consommer.

Par ailleurs, les réserves financières de la tranche inférieure de 80 % sont minimes. Cette concentration du pouvoir de dépenser signifie que la demande globale est beaucoup plus fragile que ne le laissent entrevoir les données globales.

La notion d’une économie américaine en forme de K est de plus en plus reconnue. Il a toujours été vrai que les consommateurs à revenu élevé dépensent de façon disproportionnée plus que ceux à revenu faible et moyen, mais tous les ménages ont généralement suivi le même cycle économique.

Plus récemment, toutefois, nous avons constaté que l’économie se fragmentait selon différentes trajectoires. Les Américains qui se portent mieux – l’extrémité supérieure du K – continuent de connaître une période d’essor, tandis que ceux qui se portent moins bien – l’extrémité inférieure du K – font face à une détérioration des conditions.

Les implications sont complexes. Comme indicateur prévisionnel de la consommation globale, la confiance des consommateurs s’est affaiblie. Pour les entreprises, les perspectives de croissance « moyenne » représentent peut-être mal la situation des clients finaux, ce qui sous-estime la vigueur de la consommation des Américains fortunés et surestime celle des Américains moyens. Pour les décideurs, les besoins des différents groupes par rapport aux politiques monétaire et budgétaire divergent.

Dans le cadre d’une série examinant plus en profondeur la tendance en forme de K, nous commençons par analyser les comptes financiers distributionnels de la Réserve fédérale (Fed) ainsi que nos propres estimations des flux de distribution des comptes financiers de la Fed, à l’aide de l’Enquête sur les finances des consommateurs de la Fed. Voici les principaux points à retenir.



Notre analyse des flux des comptes financiers donne à penser que le marché surestime la résilience des consommateurs en observant les données globales.

La vigueur apparente est une illusion, alimentée principalement par la tranche supérieure de 10 % à 20 % des ménages qui, comme nous l’indiquons ci-dessous, représentent la majeure partie des dépenses personnelles. Mais le boom des dépenses post-pandémique n’est pas seulement une question de solidité du bilan : il s’agit de savoir qui a des actifs liquides et productifs de revenus et qui est prêt à les déployer.

La cohorte supérieure a profité de façon disproportionnée de la politique monétaire post-pandémique, qui a permis d’accumuler des milliers de milliards de dollars en actifs liquides productifs de revenu1 depuis 2020. La tranche supérieure de 10 % a investi environ 30 000 milliards de dollars dans ces actifs depuis 2020, soit six fois plus que tout autre groupe, où les flux cumulatifs ont atteint un sommet de près de 5 000 milliards de dollars. Ces actifs liquides se sont considérablement appréciés pour les personnes qui gagnent le plus, qui continuent de détenir une part disproportionnée.



Les comptes financiers distributionnels de la Fed soulignent la résilience des ménages américains après la grande crise financière. Même si la pandémie de COVID-19 a marqué une pause dans cette tendance en 2020, les paquets d’aide sans précédent mis en œuvre par le gouvernement dans le cadre des interventions politiques en réponse à la pandémie ont ouvert la voie à une nouvelle ère d’appréciation des actifs.

Les ménages aux liquidités abondantes, aux revenus plus faibles et endettés ont été contraints d’épargner, puis une forte croissance des salaires a ensuite eu lieu, ce qui a considérablement amélioré les ratios d’endettement de leurs bilans. Cela laissait entrevoir une vigueur généralisée de la consommation à la suite de la pandémie, ce qui cadrait avec le rebond de la confiance des consommateurs en 2021.

Toutefois, à l’approche de 2025, la confiance des consommateurs continuait de diminuer, malgré la forte croissance générale du PIB et le taux de chômage historiquement bas.

La vigueur globale des bilans cache la réalité à laquelle fait face l’ensemble de la population.

La tranche inférieure de 80 % n’écarte plus l’épargne comme en 2022 et en 2023, mais elle n’épargne pas beaucoup non plus. Nous estimons que le taux d’épargne personnel de la tranche inférieure de 80 % est regroupé dans une fourchette étroite entre -5 % et 5 %.2 Les millénariaux illustrent cette contrainte : ils accumulent un patrimoine plus rapidement que les générations précédentes à un âge comparable, mais demeurent « pauvres en logements ».



Depuis 2020, les emprunts cumulatifs des millénariaux ont atteint 160 % de l’accumulation d’actifs liquides, surpassant de loin la génération X, qui est demeurée près de la parité à 100 %. Les baby-boomers – des épargnants nets, car ils sont sous le seuil de parité – soulignent la capacité plus limitée des millénariaux à dépenser de façon discrétionnaire.



Parallèlement, il sera difficile d’accéder aux réserves de valeur. La valeur nette des millénariaux dans les résidences principales représente 59 % de la valeur nette de leur génération, comparativement à un peu moins de 24 % pour les baby-boomers. Le taux d’épargne légèrement élevé des millénariaux, près de 5 %, pourrait même refléter un ralentissement de la consommation à court terme, car ils accordent la priorité à la constitution de patrimoine plutôt qu’aux dépenses. L’accélération de l’endettement s’applique à la plupart des déciles de revenu.

Les 10 % les plus pauvres des ménages américains ont accumulé environ 38 000 $ par ménage en actifs financiers liquides facilement accessibles3 depuis le début de la pandémie.

Les 80 % restants accumulent en moyenne seulement environ 76 000 $ par ménage. Cela représente l’intégralité de leur coussin de liquidité au-delà des niveaux pré-pandémie qui pourrait théoriquement être liquidé pour la consommation. Nous estimons qu’aux taux de dépenses actuels, ces accumulations d’actifs liquides post-pandémie pourraient être épuisées dans 12 à 18 mois en cas de conditions défavorables.

Par conséquent, bien que les dépenses personnelles totales semblent augmenter, cette croissance dépend dangereusement d’un segment étroit de ménages riches et à revenus élevés. La demande globale dans ces circonstances est plus fragile qu’elle ne le paraît et est extrêmement vulnérable à tout choc économique.

Le total des dépenses personnelles continue d’augmenter, mais les risques de baisse planent. La tranche inférieure de 80 % des ménages – déjà surendettés par les hausses de prix cumulatives de 27 % depuis 2019 – a une capacité minimale à absorber d’autres pressions sur les coûts sans réduire considérablement leur consommation, s’endetter davantage ou puiser dans leurs actifs.

À l’approche de 2026, nous nous attendons à ce que les prix à la consommation continuent d’augmenter, surpassant la croissance des salaires, ce qui érodera le pouvoir d’achat réel. Les données historiques indiquent que les taux de répercussion des droits de douane sur les prix à la consommation varient entre 50 % et 100 %, selon le secteur (ce lien mène à un site web dont le contenu est en anglais seulement). Le plus récent rapport sur l’IPC de septembre montre que cette dynamique émerge le plus fortement dans les biens exposés au commerce, notamment les vêtements, les pièces automobiles et les produits de soins personnels.

En l’absence d’une croissance des salaires qui compense la hausse des coûts (les personnes à faible revenu connaissent déjà une croissance des salaires inférieure à la moyenne), les ménages à faible revenu font face à des difficultés : épargner moins en puisant dans des réserves, passer à des biens de qualité inférieure ou réduire les dépenses discrétionnaires.

Néanmoins, une correction boursière présente, selon nous, un risque plus élevé pour la croissance, compte tenu de la concentration du pouvoir de dépenser parmi les ménages à revenu les plus élevés. L’élan actuel de ce segment restreint masque une économie vulnérable aux perturbations du comportement des consommateurs à revenu élevé ou aux chocs exogènes touchant la majorité restreinte. Lorsque la valeur des actifs financiers diminue, le revenu non professionnel des personnes à revenu élevé diminue (c.-à-d. le revenu de dividendes et d’intérêts), et l’ampleur de leurs dépenses peut diminuer considérablement.

La tranche supérieure de 20 % des ménages possède environ 87 % de toutes les actions de sociétés directement et indirectement détenues. Une correction importante du marché frapperait donc précisément là où le pouvoir de dépenser est concentré.

Contrairement à la crise financière mondiale, lorsque la baisse de la valeur des maisons a eu une incidence sur l’ensemble de la classe moyenne, qui était le moteur de la consommation, la forte concentration actuelle de la richesse en actions signifie que le moteur de dépenses lui-même est directement exposé à la volatilité des marchés.


Mike Reid est économiste principal, États-Unis, à RBC. Il est chargé d’établir les perspectives économiques de RBC pour les États-Unis, de commenter les indicateurs macroéconomiques et de rédiger des analyses concernant le contexte économique.

Carrie Freestone fait partie du groupe d’analyse macroéconomique et est responsable d’examiner les principales tendances économiques, notamment les dépenses de consommation, les marchés du travail, le PIB et l’inflation.

Imri Haggin est économiste à RBC Marchés des Capitaux, où il se concentre sur la recherche thématique. Ses travaux antérieurs portaient sur la dynamique du crédit à la consommation et la modélisation des liquidités, et mettaient l’accent sur l’utilisation des données pour comprendre les comportements.


  1. Chèques, épargne, certificats de dépôt, actions de sociétés, obligations d’organisme + obligations des entités gouvernementales spéciales, actions de fonds communs de placement du marché monétaire, autres titres du Trésor, fonds communs de placement à l’exclusion des fonds du marché monétaire, obligations municipales, obligations de sociétés et obligations étrangères. ↩︎
  2. Épargne personnelle, excluant les biens de consommation durables. ↩︎
  3. Chèques, épargne, certificats de dépôt, actions de sociétés, obligations d’organisme + obligations des entités gouvernementales spéciales, actions de fonds communs de placement du marché monétaire, autres titres du Trésor, fonds communs de placement à l’exclusion des fonds du marché monétaire, obligations municipales, obligations de sociétés et obligations étrangères. ↩︎

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