Nous attendions une baisse des taux directeurs de la Fed à l’occasion de la réunion de ce jour. De fait, la réduction de 25 points de base réalisée aujourd’hui était largement anticipée, au vu des préoccupations persistantes à l’égard de l’emploi, l’un des volets du mandat de la Fed, d’autant plus que le rapport sur l’IPC de septembre signalait une persistance de l’inflation. Cependant, nous restons d’avis que la banque centrale a peu de latitude pour poursuivre les baisses de taux.
Le point le plus intéressant à retenir de la réunion d’aujourd’hui n’est peut-être pas la baisse des taux en elle-même, mais la question de savoir comment la Fed parviendra à composer avec le problème grandissant de l’accessibilité aux données à l’approche de la réunion de décembre. Le président Powell a lui-même reconnu la possibilité d’une pause, déclarant : « Que faites-vous lorsque le brouillard vous surprend sur la route ? Vous ralentissez ! »
L’absence de données gouvernementales laisse entrevoir une pause en décembre
Aujourd’hui, le président Powell s’est abstenu de souligner la dépendance de la Fed aux données, peut-être intentionnellement en cette période sans précédent où les données officielles du gouvernement ne sont plus publiées. Il est même resté évasif quant au plan de la prochaine réunion, déclarant : « La décision d’une nouvelle réduction des taux directeurs à la réunion de décembre n’est pas gravée dans la pierre. Nous en sommes loin. La politique monétaire n’est pas quelque chose de préétabli. » Les prévisions de RBC font état d’une pause en décembre, car face à la montée des pressions inflationnistes et au manque de visibilité il serait très difficile de justifier une troisième baisse consécutive. Et même si nous nous attendons à ce que le marché du travail demeure faible, nous prévoyons que l’inflation s’écartera de sa cible encore plus que le taux de chômage.
La Fed continue de batailler avec des risques à double tranchant dans un contexte de légère stagflation
Le président Powell a encore reconnu qu’il n’y a pas de solution sans risque en matière de politique monétaire lorsque les tensions s’accumulent dans les deux volets du mandat. « Nous sommes dans une situation où les tendances sont haussières pour l’inflation et baissières pour l’emploi. Or, nous n’avons qu’un seul outil. Nous ne pouvons pas faire d’une pierre deux coups. »
La rencontre du mois dernier a signalé une inclinaison en faveur du volet de l’emploi. Comme l’a déclaré le président Powell, « Dans la foulée de la réunion de juillet, les créations d’emplois ont été revues à la baisse, le panorama du marché de l’emploi s’est montré très différent et le risque de fléchissement du marché de l’emploi s’est avéré plus élevé que prévu. Ce contexte a suggéré qu’il était préférable d’orienter la politique en direction d’un point neutre. » Toutefois, depuis la réunion de septembre, les données gouvernementales sur les demandes de prestations d’assurance-chômage et les affichages de postes semblent indiquer que le marché du travail s’est stabilisé. Le président Powell l’a d’ailleurs reconnu : « nous ne pensons pas que l’affaissement du marché du travail va s’accélérer ».
Cela dit, nous croyons que les risques d’inflation de plus en plus élevés pourraient bientôt affecter la capacité de la Fed à poursuivre les baisses de taux. L’IPC de base a légèrement fléchi en septembre, mais à 3 % sur 12 mois il demeure trop élevé. Et en l’absence de données sur l’IPP ce mois-ci, nous avons une idée limitée des pressions potentielles sur les prix qui, selon le président Powell, pourraient entraîner une révision des prévisions d’inflation.
Les baisses de taux ne suffiront probablement pas à résoudre les problèmes structurels et de politique
Au sortir de la réunion d’aujourd’hui, nous nous demandons si la politique monétaire est l’outil le plus efficace pour remédier aux pénuries structurelles de main-d’œuvre et aux chocs tarifaires – nous penchons pour une réponse négative.
D’un côté, la demande de main-d’œuvre s’est affaiblie, car les entreprises évoluent dans un contexte où l’embauche et les mises à pied sont faibles. La question est de savoir dans quelle mesure cette situation découle de l’incertitude paralysante causée par les changements incessants de politique commerciale. En bref, en période de grande incertitude, il est habituel que les entreprises s’abstiennent d’embaucher ou d’investir massivement.
En outre, selon le président Powell, la pénurie de travailleurs disponibles s’explique à la fois par le déclin de la participation au marché du travail (que nous attribuons aux départs à la retraite) et au recul de l’immigration. À notre avis, le problème se joue principalement du côté de l’offre. La baisse des taux pourrait stimuler la demande de main-d’œuvre, mais comme le souligne le président Powell : « d’après certains analystes, c’est surtout une question d’offre, et nos outils ne nous permettent pas vraiment d’influer dans ce domaine. »
En ce qui concerne l’autre volet du mandat, nous pensons que l’inflation liée aux droits de douane continuera de se refléter dans les données sur les biens de base au cours des prochains mois. Ce qui nous a frappés aujourd’hui, c’est que le président Powell semble renoncer à qualifier les droits de douane de « transitoires ». Pour la première fois en 2025, nous ne l’avons pas entendu utiliser le terme « transitoire » pour décrire l’impact des droits de douane : « L’hypothèse de base raisonnable est que les retombées des droits de douane sur l’inflation seront de courte durée, c’est-à-dire que nous pourrions voir un mouvement ponctuel des prix, mais il est tout aussi possible que leurs effets inflationnistes soient plus persistants, et c’est un risque que nous devons mesurer et gérer. »
L’économie en K signifie qu’il n’existe pas de solution universelle
À l’approche de 2026, nous pensons que la Fed devra de plus en plus composer avec les défis d’une économie en K, dont le président Powell a lui-même reconnu l’existence aujourd’hui. Il a évoqué les téléconférences sur les bénéfices des grandes sociétés en contact avec les consommateurs pour souligner la bifurcation croissante de l’économie, où « les consommateurs au plus bas de l’échelle sont en difficulté, réduisent leurs dépenses et se tournent vers des produits moins chers ». En revanche, les dépenses des ménages à revenu élevé et des ménages les plus fortunés demeurent robustes. Nous prévoyons une consommation résiliente en 2026, notamment grâce aux facteurs qui avantagent la partie supérieure du K de façon disproportionnée.
Quoi qu’il en soit, toute montée de l’inflation aurait un impact plus marqué sur les consommateurs à faible revenu. Et même si la diminution des taux d’intérêt peut signifier une légère baisse du coût du service de la dette, nous pouvons nous demander si une nouvelle baisse de 25 pb cette année changerait vraiment la donne.
À propos des auteurs
Mike Reid est économiste principal, États-Unis, à RBC. Il est chargé d’établir les perspectives économiques de RBC pour les États-Unis, de commenter les indicateurs macroéconomiques et de rédiger des analyses concernant le contexte économique.
Carrie Freestone fait partie du groupe d’analyse macroéconomique et est responsable d’examiner les principales tendances économiques, notamment les dépenses de consommation, les marchés du travail, le PIB et l’inflation.
Imri Haggin est économiste à RBC Marchés des Capitaux, où il se concentre sur la recherche thématique. Ses travaux antérieurs portaient sur la dynamique du crédit à la consommation et la modélisation des liquidités, et mettaient l’accent sur l’utilisation des données pour comprendre les comportements.
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