
L’arrêt des activités gouvernementales de 2025, qui est déjà la plus longue suspension pour faute de financement dans l’histoire des États-Unis (et qui est en voie de devenir la plus longue selon tous les critères), devrait avoir des retombées économiques plus importantes que ce que nous avions estimé au départ. Le problème le plus pressant est que les prestations du SNAP (programme d’aide alimentaire baptisé Supplemental Nutrition Assistance Program en anglais) ne seront probablement pas versées en novembre. En effet, le département américain de l’Agriculture (USDA) a déclaré par écrit que les prestations au titre du SNAP ne seraient pas versées le 1er novembre, alléguant que « la source s’est tarie ».
Bien que les prestations du SNAP soient distribuées par les États, les paiements dépendent du financement fédéral et ils sont classifiés comme des dépenses obligatoires. Malgré cette classification, l’USDA a besoin de crédits du Congrès pour déployer ces fonds. Bien que l’organisme dispose d’un fonds de prévoyance de 5 à 6 milliards de dollars, les responsables indiquent que le fonds ne permet pas de couvrir les prestations courantes.
Le SNAP fournit une aide alimentaire mensuelle à environ 40 millions de bénéficiaires, déployant près de 8 milliards de dollars par mois auprès de familles à faible revenu et personnes handicapées. Les bénéficiaires peuvent utiliser ces prestations pour acheter des produits d’épicerie (mais pas des repas préparés en restaurant). Les bénéficiaires reçoivent généralement les prestations dans les deux premières semaines du mois, bien que certains États les distribuent par EBT en continu tout au long du mois.
Les 8 milliards de dollars versés mensuellement au titre du SNAP représentent environ 10 % des ventes de produits d’épicerie au détail. Cependant, l’incidence ne se limitera pas à l’épicerie si les ménages délaissent les autres catégories de produits pour affecter des liquidités à l’alimentation. Cela pose un risque important de ralentissement des ventes au détail et de la consommation globale au quatrième trimestre.
Les travailleurs fédéraux non rémunérés ont probablement fait des coupes dans leurs dépenses
Environ 27 milliards de dollars de salaires n’ont pas été versés aux travailleurs en chômage technique et aux travailleurs essentiels fédéraux en octobre (ces rémunérations seront probablement payées à une date ultérieure, car la législation actuelle garantit leur versement rétroactif). En supposant que les travailleurs concernés aient réduit leurs dépenses discrétionnaires à la hauteur de leur perte de revenus, nous pourrions constater un effet négatif de 0,2 point de pourcentage sur la consommation mensuelle. Cet effet se reflétera dans les données d’octobre et pèsera probablement sur les dépenses de novembre si la fermeture du gouvernement se prolonge.
La suspension des services publics freinera considérablement la consommation au quatrième trimestre
Si nous combinons le recul de la consommation des employés fédéraux en octobre et novembre et le non-versement des prestations du SNAP, la situation pourrait retrancher jusqu’à 1,0 point de pourcentage au PIB du quatrième trimestre. Bien entendu, il existe un effet de débordement potentiel dont ce chiffre ne tient pas compte, par exemple la réduction des dépenses des travailleurs dans les entreprises situées à proximité des bureaux du gouvernement (restaurants, soins personnels, etc. à DC et en périphérie) et les retombées dans les entreprises qui dépendent de paiements publics contractuels pour payer les salaires.
Si nous tenons compte de la suspension des services publics dans toute son ampleur, en incluant la baisse des dépenses du gouvernement fédéral, l’effet négatif sur la croissance du PIB au quatrième trimestre pourrait atteindre 3,0 points de pourcentage dans l’hypothèse d’une paralysie budgétaire prolongée jusqu’en décembre.
La suspension des services publics creuse le fossé dans une économie en K
La structure en K de l’économie américaine devrait s’accentuer à l’approche de 2026. À l’heure actuelle, les difficultés s’accumulent pour les consommateurs à faible revenu : les prix grimpent à mesure que la répercussion des droits de douane s’accélère, la croissance des salaires ralentit, le nombre d’heures travaillées est en déclin, et les crédits d’impôt bonifiés au titre de l’Affordable Care Act (ACA) arrivent à échéance. Parallèlement, les retards dans les paies fédérales et le non-paiement aux entrepreneurs du gouvernement entraîneront sans doute une hausse des défaillances au quatrième trimestre.
Étant donné que divers segments de la consommation américaine ont peu de liquidités, nous nous attendons à une hausse de l’utilisation du crédit (par le biais de cartes de crédit et de prêts personnels) et à un recours accru aux services d’achat à paiement différé. L’utilisation croissante des services d’achat à paiement différé ajoute aux problèmes de visibilité des données pour les économistes, car nous disposons de données limitées sur les utilisateurs de ces services et sur leurs achats.
D’un autre côté, tandis que la partie inférieure du K continue de s’affaiblir, les consommateurs à revenu élevé devraient bénéficier de facteurs positifs au début de 2026, avec notamment le relèvement du plafond de déduction fiscale pour les taxes d’État et locales et le rajustement des tranches d’imposition. En outre, l’effet sur la richesse avantage de façon disproportionnée les ménages à revenu élevé et les ménages âgés, c’est-à-dire les personnes qui ont tendance à être moins endettées et donc moins accablées par la hausse des taux d’intérêt.
Cette partie supérieure du K pourrait maintenir à flot les données globales sur la consommation, au risque d’occulter la faiblesse des segments de consommation dans la limite inférieure du K.
En conclusion, nous naviguons en terrain inconnu en cette période de suspension des services publics qui pourrait s’avérer la plus longue de l’histoire des États-Unis. La situation est bien partie pour avoir l’un des impacts les plus importants jamais observés sur l’économie. Nous craignons de plus en plus que l’incidence économique de cette suspension globale ne soit pas linéaire. Autrement dit, il existe un risque que les retombées négatives s’aggravent au fil du temps et qu’elles débordent dans l’ensemble de l’économie. Dans les faits, nous nous attendons à une économie de plus en plus divisée à l’approche de 2026.
À propos des auteurs
Mike Reid est économiste principal, États-Unis, à RBC. Il est chargé d’établir les perspectives économiques de RBC pour les États-Unis, de commenter les indicateurs macroéconomiques et de rédiger des analyses concernant le contexte économique.
Carrie Freestone fait partie du groupe d’analyse macroéconomique et est responsable d’examiner les principales tendances économiques, notamment les dépenses de consommation, les marchés du travail, le PIB et l’inflation.
Imri Haggin est économiste à RBC Marchés des Capitaux, où il se concentre sur la recherche thématique. Ses travaux antérieurs portaient sur la dynamique du crédit à la consommation et la modélisation des liquidités, et mettaient l’accent sur l’utilisation des données pour comprendre les comportements.
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