Helena Gottschling : Jennifer, on sait que vous êtes prête à vous donner à fond pour le perfectionnement de votre équipe. Qu'il s'agisse d'aider un employé à siéger à un conseil dans un secteur qui l'intéresse particulièrement, ou de redéfinir un poste, de cultiver les forces uniques de chacun ou tout simplement d'être là pour donner des conseils professionnels. Je suis curieuse : toutes ces choses font partie de vous-même et de votre façon de faire. Vous n'avez même plus à y penser. Mais selon vous, quelles sont les qualités d'un bon mentor ? Parce qu'au fond, vous faites beaucoup de mentorat.
Jennifer Tory : Je pense que la chose la plus importante pour un bon mentor, c'est la capacité de reconnaître les forces d'une personne et de l'aider à les améliorer. Il faut connaître ses forces... et parfois il faut qu'on nous le dise. Parce qu'on ne le sait pas, ou qu'on se contente de vaquer à ses occupations. Mais le plus important, c'est d'examiner franchement les points que l'on a à améliorer. Et soit dit en passant, je ne pense pas qu'un mentor doive forcément être un supérieur hiérarchique. Je pense qu'un mentor peut être...
Helena Gottschling : Un pair.
Jennifer Tory : Je pense que le mentorat entre pairs est absolument essentiel, et je ne pense pas que l'un soit meilleur que l'autre, ni qu'on a besoin de l'un mais qu'on peut se passer de l'autre. On a besoin des deux, et le mentorat entre pairs peut être très efficace.
Mais je pense qu'une fois qu'on a bien établi quels sont les points à améliorer, il faut donner à l'autre l'occasion de définir comment il souhaite combler ces lacunes, ou voir comment on peut lui donner l'expérience nécessaire pour améliorer ses points faibles. Je pense qu'il faut parfois être prêt à brusquer l'autre un peu, pour le pousser à aller plus loin. Mais une fois qu'on a poussé une personne à sortir de sa zone de confort, c'est important de lui donner du soutien. Cette personne a besoin de savoir que son mentor, ou une autre personne qui prend part à son perfectionnement, est là pour la soutenir, ou pour lui parler lorsqu'elle ne se sent pas à l'aise, sans qu'elle ne le prenne comme un échec. Je pense que c'est absolument essentiel dans toutes les relations de mentorat.
L'autre sujet dont nous avons longuement parlé, vous et moi, est celui du parrainage.
Helena Gottschling : Oui. J'allais justement vous en parler.
Jennifer Tory : C'est différent. Le parrainage a des aspects en commun avec le mentorat, parce qu'il est certainement arrivé à tous les mentors d'être prêts à parrainer leur protégé, mais je pense que le parrainage consiste surtout à prendre les devants et à affirmer qu'une personne a les compétences nécessaires pour faire le travail, et à expliquer pourquoi. Il ne s'agit pas seulement de dire : « Oh, je pense que vous devriez confier la tâche à telle ou telle personne ». Il faut être en mesure de décrire l'expérience acquise par la personne en question et les compétences qu'elle a démontrées, puis d'affirmer sans réserve que c'est vraiment la personne qu'il nous faut. Quand on peut le faire, c'est qu'on est prêt à se porter garant que la personne à prête à remplir ses fonctions. À ce moment, il est encore temps de dire : « Voici les points à améliorer, mais je pense que ce travail va lui permettre de combler ces lacunes ».
Helena Gottschling : Avez-vous déjà été déçue d'avoir parrainé quelqu'un d'une manière ou d'une autre ?
Jennifer Tory : Je ne crois pas. Mais c'est parce qu'il est important de vraiment bien connaître les compétences de son personnel et des personnes que l'on appuie ; alors on se sent à l'aise de donner notre soutien.
Helena Gottschling : Je pense que le parrainage est particulièrement important lorsque des employés talentueux sont mutés d'un secteur de l'entreprise à un autre, ou à des fonctions qui ne leur sont pas familières ; il est alors difficile de définir les compétences transférables et c'est là que le parrainage entre en jeu.
Jennifer Tory : Oh, oui. C'est même très important. Parfois, on choisit une personne qui est jugée très talentueuse et on se dit : « Bon, confions-lui ces responsabilités pour assurer son perfectionnement ». Mais on le fait sans lui donner le soutien nécessaire pour qu'elle se familiarise avec ses nouvelles fonctions - pour faire le lien avec ce que vous disiez - et nous devons l'aider à passer la courbe d'apprentissage. C'est un aspect très important du perfectionnement du personnel. Quand je pense à toutes ces femmes que j'ai vues au fil des ans passer d'un rôle à l'autre pour se préparer à occuper des fonctions de cadres, je vois à quel point c'est important. Soyons honnêtes, parfois certains pensent que lorsqu'une femme obtient un nouveau poste, c'est parce qu'elle bénéficie d'un passe-droit et non parce qu'elle a des compétences égales, et c'est pourquoi il est très important de s'assurer que tous - hommes, femmes, minorités visibles - aient les aptitudes nécessaires, pour que leur compétence ne soit pas remise en question. On obtient alors une liste de candidats très diversifiée et on peut faire des choix en prenant soin de faire progresser les pourcentages, parce qu'on a aussi des objectifs bien ciblés.
Helena Gottschling : Oh oui, certainement. Si vous vous adressiez à une jeune femme qui vient de recevoir son diplôme universitaire, quels conseils professionnels lui donneriez-vous ?
Jennifer Tory : Je parle souvent d'élargir et d'approfondir les compétences. Parfois, les gens acquièrent une spécialité dans leur discipline et s'attendent à toujours obtenir de l'avancement professionnel, sans se douter que s'ils entretenaient aussi une certaine polyvalence, ils auraient beaucoup plus de possibilités de gravir les échelons, s'ils le désirent. Je m'entretiens souvent avec des jeunes et je prends le temps de leur expliquer ce qu'ils peuvent faire pour cultiver leur polyvalence. Nous avons la chance de travailler dans une entreprise très diversifiée. RBC est composée d'un si grand nombre de sociétés différentes. Il est possible de travailler dans différents secteurs, tout comme moi, même au sein des Services bancaires canadiens. Mais ce n'est pas notre seul secteur d'activité, bien sûr, et il est possible de changer de secteur jusqu'à ce que l'on trouve ce que l'on aime, et c'est alors qu'il est temps de se spécialiser.
Pour ma part, je crois que mon domaine de prédilection est celui de la gestion du personnel, des ventes, et d'une entreprise. Mais pour d'autres, c'est l'analyse. Ou alors les opérations financières. Je passe beaucoup de temps à parler de ce les gens aiment et de ce qu'ils n'aiment pas, puis je leur parle de l'équilibre entre la spécialisation et la polyvalence, pour les orienter.